vendredi 13 avril 2018

Les signes religieux renvoient au clientèlisme religieux


Lettre ouverte à la Mairesse de Montréal 
Madame la Mairesse,
Nous tenons à vous faire part de notre profonde consternation face à votre déclaration d'être « très
ouverte » à l'introduction de signes idéologiques à caractère religieux, notamment le hijab, dans les services policiers. Par quelle logique serait-il admis qu'un représentant ou une représentante d'une institution étatique arbore sa croyance religieuse ou politique ?
On ne peut que saluer votre volonté d'assurer la pleine participation de tous les Montréalais et Montréalaises dans la fonction publique municipale. Le SPVM n'est pas exempté d'appliquer les programmes d'accès à l'égalité permettant de lutter contre la discrimination à l'emploi.
Mais cela ne consiste pas à modifier les règlements afin de se plier aux exigences des demandeurs d'emploi est simple : Des citoyens et citoyennes en tant qu'individus, et non pas en tant que membres de communautés religieuses.
C'est d'autant plus aberrant dans une société historiquement déterminée par un processus de sécularisation, qui lui a permis de se détacher de l'emprise de la religion catholique. La majorité historique du Québec serait-elle la seule à pouvoir bénéficier de cette sécularisation ? Les minorités seraient-elles condamnées à être représentées par des supposés groupes religieux ?
Les minorités seraient-elles condamnées à être représentées par des supposés groupes religieux ?
Nous avons maintes fois dénoncé le fait que nous soyons associés à une « communauté musulmane », représentée, de surcroît, par une idéologie de l'islam politique, aujourd'hui fortement décriée, y compris dans son pays d'origine, l'Arabie saoudite.
En lien avec votre initiative d'une Table sur la diversité, l'inclusion et la lutte contre les discriminations, nous vous invitons à prendre connaissance de notre mémoire déposé dans le cadre du Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination du ministère de l'Immigration.
Nous y expliquons que cette vision stéréotypée des musulmans, ainsi que les demandes d'accommodement de la part de représentants auto-proclamés de ladite communauté musulmane, est une entrave à notre intégration. C'est ce que nous expliquons également dans le Manifeste pour un islam de liberté et de citoyenneté. Merci de tenir compte de nos arguments avant d'entreprendre des modifications aux règlements de la Ville dont nous pourrions faire les frais.
Pour ce qui est du hijab, sur quel fait vous basez-vous pour considérer qu'il est représentatif des musulmanes ? Il fait l'objet de débats à l'intérieur même du monde musulman. Le SPVM devrait-il alors s'assurer de représenter aussi la femme musulmane non-voilée ? Et comment le faire ? Il est illégal pour un employeur de demander la religion de son employé.
La Charte des droits et libertés de la personne, rédigée au moment où le Québec se libérait du contrôle excessif de l'Église catholique, a permis que la religion ne soit plus un marqueur de la personne. Cet anonymat religieux est une avancée et un élément de progrès dans une société. Souhaitez-vous faire marche arrière sur ce principe ?
Cet anonymat religieux est une avancée et un élément de progrès dans une société. Souhaitez-vous faire marche arrière sur ce principe ?
À en croire le conseiller municipal Marvin Rotrand, l'enjeu consisterait tout simplement à mettre au point « un modèle approuvé de hijab », comme si l'affaire se résumait à de simples considérations sécuritaires et vestimentaires. Or, les signes religieux sont lourds de signification. Ils renvoient à des idéologies qui sont souvent source de tensions, et évoquent parfois des événements sanglants.
Par exemple, le voile est symbole de violence pour beaucoup de femmes ayant vécu la guerre menée par les islamistes contre les civils en Algérie, ou pour celles qui viennent d'Iran où enlever le voile signifie la prison. Comment ces femmes pourraient-elles se confier à une policière en hijab ? Il en est de même pour toutes celles qui ont fui son imposition par la barbarie. Avez-vous pensé à elles ?
Au-delà du discours idyllique des promoteurs du voile, la vérité est toute autre. Il est une barrière efficace imposée aux femmes pour restreindre leur champ de liberté et contrôler leur sexualité. En aucun cas l'assouplissement des lois et règlements pour permettre le voile n'aidera les femmes à s'émanciper. Les lois laïques sont celles qui protègent le mieux les droits des femmes.
Madame la Mairesse, en affichant une grande ouverture au voile, vous privilégiez une idéologie qui s'imprègne de l'intégrisme islamiste et, par la même, vous « pavez l'enfer des autres de vos bonnes intentions », pour reprendre les termes de Chahdortt Djavann, une femme qui a subi le régime islamique d'Iran.
Les exemples internationaux ne manquent pas pour illustrer le contrôle de la femme par le voile. Ici même au Québec et au Canada, plusieurs cas de crimes d'honneurs liés au voile sont répertoriés, dont récemment un père de famille de Gatineau accusé au criminel, car il battait sa fille qui refusait de porter le hijab. D'après l'agente chargée du dossier, l'adolescente « a trouvé le courage de dénoncer la situation ». Croyez-vous que la jeune fille se serait confiée si l'agente avait été voilée ?
Les policiers et policières sont des intervenants de première ligne. La priorité n'est pas d'assurer du travail dans la police aux femmes qui refusent de se plier aux règles de l'emploi. Elle est de s'assurer de la sécurité de tous les citoyens et citoyennes et de les protéger de toute pression communautariste indue ou de harcèlement psychologique.
Alors que l'uniforme du policier renvoie une image de neutralité, les signes religieux renvoient celui d'un clientélisme religieux.
Alors que l'uniforme du policier renvoie une image de neutralité, les signes religieux renvoient celui d'un clientélisme religieux. N'est-ce pas de manquer de respect au citoyen que de lui imposer un tel message symbolique contradictoire ?
Madame la Mairesse, permettre le port de signes religieux aux représentants de l'État constitue un inversement du devoir de neutralité, comme le dit Guy Rocher, un des pères de la Révolution tranquille. La majorité des Québécoises et Québécois, de toutes origines, n'en veut pas.
En 2013, un sondage Léger montrait que 78% des personnes sondées étaient pour une interdiction des signes religieux chez les policiers, et le sondage CROP/Radio-Canada de mars 2017 montre que 76% des personnes sondées sont favorables à l'interdiction des signes religieux pour toutes les personnes en position d'autorité.
Il serait bon, de ne pas balayer du revers de la main cette aspiration des Québécois, sous prétexte que c'est « dans l'air du temps ». C'est par une réelle laïcisation des institutions de l'État, et en tout premier lieu la police, qu'il est possible d'accueillir tous les citoyens, dans le respect et l'ouverture, quelle que soit leur origine nationale, ethnique ou religieuse.
Veuillez agréer, Madame, nos sincères salutations.
Ferid Chikhi, Conseiller en emploi
Nadia El-Mabrouk, Professeure, Département d'informatique, Université de Montréal
Ali Kaidi, Doctorat en philosophie et
Leila Lesbet, Enseignante TES
Pour l'Association Québécoise des Nord-Africains pour la Laïcité (AQNAL)

Autres signataires :
Mohand Abdelli, P.Eng.
Nora Abdelli, Infirmière
Saleha Abdenbi, Enseignante
Fatima Aboubakr, Directrice de garderie
El Mostapha Aboulhamid, Professeur, DIRO, Université de Montréal, à la retraite
Rachida Ait Tahar, Enseignante
Idir Atif, Ébéniste
Katia Atif, Intervenante communautaire
Amani Ben Amar, Agente financière, CIUSSS-Centre Sud de l'île de Montréal
Radhia Ben Amor, Coordinatrice de recherche
Leila Bensalem, Enseignante
Adel Bichara, Ex-propriétaire d'entreprises, à la retraite
Nawal Bouchareb, Citoyenne
Zahra Boukersi, Enseignante
Amel Chikhi, Biologiste
Hassina Chouaki, Citoyenne
Claude Kamal Codsi, Entrepreneur
Nariman Derky, Poète
Hakima Djermoune, Inspectrice au contrôle de la qualité pharmaceutique
Nadia Fahmy-Eid, Historienne féministe
Aziz Farès, Auteur et journaliste
Ines Hadj Kacem, Étudiante
Amel Haroud, Gestionnaire
Hassiba Idir, Gestionnaire
Idriss Idir, Ingénieur
Nacer Irid, Ingénieur
El-Houssine Idrissi, Concepteur ingénierie
Fadhila Jabnoun, Retraitée
Rabah Kadache, Enseignant
Samy Kartout, Administrateur de systèmes informatiques
Radia Kichou, Citoyenne
Siham Kortas, Enseignante à la retraite
Nacera Krim, Architecte
Karim Lassel, Consultant en développement organisationnel à la retraite
Mona Latif-Ghattas, Écrivaine
Leila Mahiout, Ingénieur informatique
Abdelhakim Medjahed, Assistant immédiat soin infirmier
Abdallah Mohamed-Saïd, Travailleur autonome
Salimata Ndoye Sall, Intervenante sociale
Boussad Oukil, Entrepreneur
Sandra Sahli, Enseignante en électronique industrielle
Farid Salem, Président de l'association Solidarité Québec-Algérie
Ferroudja Si Hadj Mohand, Éducatrice
Khaled Sulaiman, Journaliste
Zabi Eanäyat-Zâda, Auteur et conférencier

samedi 7 avril 2018

Oui pour une police neutre !


Et non, mille fois non, Madame Plante, pour une milice communautaire
05 Avril 2018
Dans sa conception de la représentativité, la mairesse ne donne aucune place à l’individu. Pour elle, la société est composée de communautés et non pas  d’individu. Elle abandonne l’individu à la
communauté. Suivant cette logique, il est légitime de se demander qui représente les individus qui ne sont pas représentés par aucune communauté reconnue ; ceux que le voile, le turban ou autre signes religieux ostentatoires ne représentent rien pour eux. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont nombreux. De quelle façon sont-ils représentés par les institutions ?
De plus, dans une société historiquement déterminée par un processus de sécularisation, n’est-il pas absurde de parler de communautés religieuses et surtout d’essayer de donner à celles-ci une visibilité politique ? Poussons cette conception multiculturaliste de l’État jusqu’au bout ; la mairesse est-elle représentante d’une communauté ou de toutes les communautés ?
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, demande au corps policier d’entreprendre une réflexion au sujet de l’intégration du hidjab musulman et du turban sikh dans l’uniforme réglementaire. Une réflexion, selon elle qui est « dans l’air du temps ».
Cette demande correspond à son mandat de « rendre la Ville de Montréal plus inclusive et représentative de la population montréalaise ». Nous voilà plongés de nouveau dans l’éternel débat sur la laïcité que nos dirigeants refusent de régler. Notre mairesse justifie cette demande par sa volonté d’améliorer la représentation des communautés. Personne ne peut nier que son attention est louable sur le plan moral et par rapport à l’esprit de la démocratie. Certes, les institutions doivent être représentatives, mais de quoi précisément ?
Eh bien, des citoyens et des citoyennes, autrement dit des individus, ou bien des groupent d’individus qui se réclament d’une communauté qui se dit représentative d’individus ?Il semble que la
représentativité dont la mairesse de Montréal parle concerne les communautés. Si l’on transpose cette façon de percevoir la représentativité aux institutions démocratiques, il semble que pour la mairesse ce que Rousseau qualifie de volonté générale sur laquelle repose la souveraineté ne transcende pas les volontés appartenant aux communautés qui la composent, leur particularité ne s’efface pas au profit de l’universalité garante de l’égalité du traitement. Car, la communauté, quoiqu’elle fasse, elle est animée par une volonté particulière qui tend par nature, selon Rousseau, aux préférences contrairement à la volonté générale qui tend par nature à l’égalité. Selon le raisonnement de la mairesse de Montréal, la souveraineté doit être un reflet fidèle de la société.
Toutes les particularités de la société doivent être présentes dans les institutions étatiques. Dans ce cas les deux religions historiques appartenant à la majorité des citoyens et citoyennes québécoises doivent, elles aussi, être visibles dans les institutions. Ainsi, toutes les institutions de l’État ressembleront à des églises catholiques, car c’est la religion de la majorité. L’hôtel de ville de Montréal, où siège par ailleurs la mairesse, doit ressembler à une église.
D’ailleurs, il lui ressemble un petit peu si l’on regarde aux signes religieux qui ornent ses murs et ses plafonds. Cette vision multuculuraliste de l’État ne protège pas les minorités religieuses, au contraire elle fait de ses membres des sous-citoyens. Ce n’est pas un signe d’ouverture envers les citoyens considérés comme appartenant à des minorités ; bien au contraire, c’est un signe de fermeture et d’exclusion systémique qui renvoie le citoyen à son groupe ethnique, culturel ou religieux au lieu de le considérer comme un citoyen qui a des droits et des devoirs similaires à ceux des autres citoyens. La vraie ouverture peut venir de la neutralité et de la représentation citoyenne et non pas de la promotion du communautarisme religieux.   
Par ailleurs, dans sa conception de la représentativité, la mairesse ne donne aucune place à l’individu. Pour elle, la société est composée de communautés et non pas d’individus. Elle abandonne l’individu à la communauté.
Suivant cette logique, il est légitime de se demander qui représente les individus qui ne sont pas représentés par aucune communauté reconnue ; ceux que le voile, le turban ou autre signes religieux ostentatoires ne représentent rien pour eux. Et le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont nombreux. De quelle façon sont-ils représentés par les institutions ?
De plus, dans une société historiquement déterminée par un processus de sécularisation, n’est-il pas absurde de parler de communautés religieuses et surtout d’essayer de donner à celles-ci une visibilité politique ? Poussons cette conception multiculturaliste de l’État jusqu’au bout, la mairesse est-elle représentante d’une communauté ou de toutes les communautés ? Si elle est représentante d’une communauté quelle est cette communauté et quel est son signe ou symbole religieux en dehors de la neutralité qu’elle remet en question ?
Pourquoi ne devrait-elle pas exhiber son appartenance religieuse ? Lorsqu’on a voté pour elle aux dernières élections, on l’a fait non pas parce qu’elle est membre d’une communauté religieuse, mais parce qu’elle nous a présenté, en tant que citoyenne, un programme que nous avons jugé intéressant.
Elle nous a séduits par son programme et non pas par sa religion. Jusqu’à présent, on ne sait pas si elle est croyante ou pas. Sa religion ne nous intéresse aucunement, si tant est qu’elle soit à la hauteur de la femme politique qu’elle a donnée à voir pendant la campagne électorale. Mais avec ce lien qu’elle fait entre la représentativité et les signes religieux, il semble que la mairesse remet en question la neutralité de l’État qui ne favorise aucun individu sur un autre et aucune communauté sur une autre.
Le centre-ville de Montréal, vu du Vieux-Port
Concernant la communauté dite musulmane, sur quelle base la mairesse a choisi le voile comme signe représentant cette communauté ? Ce signe n’est-il pas lui-même objet de débat entre les musulmans ou entre les gens de culture musulmane croyants ou non ? Que ferait-elle des musulmans qui ne s’identifient pas au voile ? Ils sont nombreux.  
Comment seront-ils représentés ? La culture se réduit-elle à la religion ou bien a-t-elle d’autres expressions ? Cette façon de concevoir la culture ne remet-elle pas en question la séparation du politique de la religion ? Autant de questions que les justifications de la mairesse de l’acceptation des signes religieux ostentatoires dans le corps de police suscitent. Toutes ces interrogations soulèvent de nouveau la problématique du rapport de l’État à la religion. Revenant aux agents de police ; il est clair qu’ils sont en position d’autorité ; ils incarnent le pouvoir de l’État et non pas celui de la communauté dont ils sont issus. Ils ne sont pas une milice communautaire. Les policiers sont au service de toute la société et non pas de leur communauté. Ils sont représentatifs de l’État et non pas d’une société. Ainsi, du moment que l’État n’est pas une communauté religieuse, ceux et celles qui le représentent doivent-ils être neutres pour ne pas donner l’impression que le pouvoir des institutions étatiques sont sectaires.
De plus, ce débat soulève sur le plan sociétal des interrogations qui méritent réflexion. Il n’y a pas que les convictions religieuses qui orientent notre carrière professionnelle ; des personnes ont choisi de ne pas être policiers parce que cette fonction ne correspond pas à leurs convictions philosophiques, ceux-ci n’aimant pas par exemple la discipline, l’autorité et l’organisation verticale.Faut-il changer dans ce cas le fonctionnement de la police pour les intégrer ou bien c’est plus sensé pour eux de choisir une autre profession ? Que fera-t-on du musulman qui veut travailler dans un abattoir non halal ? Doit-on lui aménager un espace dans cet abattoir qui correspond à ses convictions religieuses ? Que fera-t-on du jeune musulman qui souhaite travailler dans des bars ? En fait, la société offre beaucoup d’emplois qui ne sont pas adéquats avec les convictions personnelles de ses membres.  
En somme, la mairesse ne nous invite pas à une réflexion ; elle se positionne en moralisatrice qui nous convie à rentrer dans l’ère du temps, du moins dans sa vision de ce qu’est l’ère du haut de ses œillères idéologiques, et faire comme d’autres dirigeants font d’ailleurs. Pour elle, un modèle existe déjà ; il n’y a qu’à mimer ; à l’appliquer chez nous sans aucune considération à l’opinion de la majorité des citoyens ni au principe de la neutralité essentiel pour le vivre-ensemble qu’est censé incarner l’État.
Ali Kaidi
Dr en philosophie politique

lundi 12 mars 2018

Ne sabordez pas notre laicité !

Lettre ouverte aux députés-es de l’Assemblée nationale
(...) Ce qui distingue ces voiles, c’est la longueur du tissu et leur degré d’envahissement de la dignité des femmes. La présence du hijab parmi les députés-es d’une assemblée nationale qui se veut laïque n’est pas souhaitable. Pas plus que le crucifix juché en haut de la chaise du président. (...).
Nous vous écrivons parce qu’il nous est difficile de détecter la cohérence des député-es de l’Assemblée nationale, tous partis confondus, à propos de la décision récente du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) de changer les exigences d’authentification pour la photo de mise en candidature aux fins d’une élection.
En 2013, lors des audiences sur le projet de loi 60, les député-es de toute allégeance expliquaient qu’il fallait leur laisser le soin de trancher sur la question du port de signes religieux par les élus, député-es et ministres.
On nous expliquait qu’il appartiendrait au Bureau de l’Assemblée nationale de statuer sur cette question, le ministre responsable du gouvernement du Parti québécois se disant alors en faveur de l’interdiction de ces signes. Où logent maintenant les différents partis de l’Assemblée nationale ? Nous sommes préoccupé-es.

Le 20 février dernier, le DGEQ a annoncé en commission parlementaire qu’il avait annulé dans la réglementation électorale l’obligation de fournir une photographie à « tête découverte » dans le Règlement sur la déclaration de candidature, comme stipulé depuis 1989. Désormais, on n’exigera que l’obligation d’avoir « le visage découvert ».
La nouvelle mesure, s’inspirant de la loi 62, interdit le seul voile intégral (le niqab ou la burqa en l’occurrence), mais autorise en retour le port de signes religieux tels que le hijab, le turban sikh ou la kippa juive.
On est pourtant ici dans un processus formel du système électoral. Une mise en candidature dans une élection n’est pas une promenade dans un parc ! Selon nous, cette nouvelle directive mine, d’un trait de plume, le long cheminement vers la laïcité de l’État et des institutions politiques au Québec, dont son système électoral et sa gouvernance.
Nous nous adressons à vous, député-es de l’Assemblée nationale, puisqu’aucune et aucun d’entre vous ne s’est offusqué-e ni opposé-e à cette modification. Nous sommes étonné-es, consterné-es et extrêmement déçu-es que vous cédiez devant les réclamations de certaines franges religieuses intégristes. Car c’est bien de ça qu’il s’agit.
Le port de signes religieux ostentatoires n’est pas en soi la manifestation d’une plus grande piété ni d’un plus grand recueillement. Il est l’expression d’un prosélytisme social et politique et agit comme de véritables panneaux publicitaires.
Ce sont d’ailleurs les mouvances intégristes de différentes religions qui se positionnent à l’avant-poste de demandes incessantes d’accommodements religieux dans les organismes publics et qui sapent, par le fait même, le principe d’universalité dans l’exercice des droits et responsabilités citoyennes.
Ces mêmes mouvements, en réclamant le droit des agents de l’État d’arborer des signes religieux ostentatoires, heurtent la liberté de conscience des citoyens qui se font imposer ces marqueurs idéologiques.
Cette décision du DGEQ est tout à fait contraire à celle prise à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 2011 interdisant aux sikhs d’entrer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale en arborant leur kirpan, décision prise au nom de la sécurité, mais aussi pour le maintien du caractère de neutralité de l’État. Elle fut d’abord avalisée par la Cour supérieure en 2015 et subséquemment par la Cour d’appel du Québec, le 19 février dernier.
Aujourd’hui, votre acceptation sans mot dire de la décision du DGEQ équivaut à une autorisation du port de signes religieux par des député-es et ministres au Québec. Elle est contraire à la préservation du caractère laïque de l’État.
Une fois le hijab, le turban ou la kippa autorisés sur une photo de candidature, comment pourrait-on ensuite interdire à quiconque, une fois élu-e, d’afficher ses signes religieux, même une grosse croix catholique ?
Comment le gouvernement pourra-t-il, dans le processus officiel de sélection des immigrants et immigrantes, continuer à faire signer par les nouveaux arrivants la Déclaration sur les valeurs communes qui les somme de reconnaître que « l’État et les institutions sont laïques », alors même que les député-es ne sont pas capables de protéger le caractère laïque de l’Assemblée nationale ?
Comment se fait-il qu’il n’y ait eu aucun débat sérieux sur ce changement dans le Règlement de déclaration de candidature, en apparence anodin, mais fondamental par essence ?
Le multiculturalisme, vecteur de l’incursion de pratiques et de signes religieux dans les institutions publiques, est néfaste pour la démocratie, l’intégration des immigrants, ainsi que l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le hijab reste un symbole de ségrégation envers les femmes, tout comme le niqab et la burqa.
Ce qui distingue ces voiles, c’est la longueur du tissu et leur degré d’envahissement de la dignité des femmes. La présence du hijab parmi les députés-es d’une assemblée nationale qui se veut laïque n’est pas souhaitable. Pas plus que le crucifix juché en haut de la chaise du président.
L’interculturalisme québécois se métamorphose immanquablement en une forme hybride du multiculturalisme s’il n’est pas rattaché à une ferme laïcité. Une diversité saine et enrichissante ne sera possible que dans le respect d’une laïcité
Nous, signataires, demandons donc que la question du port de signes religieux par les député-es de l’Assemblée nationale soit l’objet d’un débat en commission parlementaire, avec tenue d’audiences publiques.
Nous refusons que ce litige soit tranché par le seul Bureau de l’Assemblée nationale, lui-même soumis aux aléas de la lutte partisane et des alternances de gouvernement.
Nous demandons qu’un considérant soit ajouté à la Loi sur l’Assemblée nationale, dans son préambule, spécifiant que celle-ci est une assemblée laïque dénuée de tous signes ou symboles religieux, et que la section traitant de la déclaration de candidature stipule l’obligation de fournir une photographie « à tête découverte ».

Signataires :
André Lamoureux, politologue-UQAM, Rassemblement pour la laïcité
Nadia El Mabrouk, professeure, Université de Montréal
Djemila Benhabib, Prix international de la laïcité 2012
Diane Guilbault, présidente, Pour les droits des femmes du Québec (PDFQ)
Leila Lesbet, Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL)
Michèle Sirois, anthropologue, conseillère PDF Québec
Zahra Boukersi, enseignante
Yves Laframboise et Francine Lavoie, Laïcité capitale nationale
Lise Boivin, coordonnatrice, Collectif Laïcité de Québec solidaire
Léon Ouaknine, essayiste
Jacques Beauchemin, professeur émérite / sociologie, UQAM
David Rand, président, Libres penseurs athées
Simon-Pierre Savard-Tremblay, essayiste
Ali Kaidi, membre fondateur d’AQNAL
Ferid Chikhi, membre fondateur d’AQNAL
Leila Bensalem, enseignante
Jean-Paul Lahaie, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ-L)
René Tinawi, professeur émérite, Polytechnique Montréal
Mohand Abdelli, ingénieur à la retraite
Dre Andrée Yanacopoulo, membre de PDF Québec
Pr. Micheline Labelle Professeur émérite de sociologie UQAM
Aziz Fares, journaliste
Shirley Christensen Côté

André Lamoureux,
Politologue-UQAM,
Porte-parole des signataires de cette lettre ouverte.

lundi 26 février 2018

Lettre ouverte des Algériennes à la presse Française

Nous sommes citoyennes Algériennes...
La page Facebook les Algériennes dont nous sommes les administrateurs, femmes et hommes vivants en Algérie, militons contre l'obscurantisme religieux qui ostracise les femmes, pour la laïcité, pour l’égalité entre les hommes et les femmes, pour que la société Algérienne puisse avoir son siècle des lumières, qu’elle puisse un jour vivre libre de ses pensées et de ses croyances. 
Nous ne sommes pas une page féministe, nous souhaitons que vivent en harmonie les hommes et les femmes, que chacun avance avec l’autre et construise un futur apaisé pour nos enfants afin qu’ils puissent un jour être fiers de leur Algérianité. Nous ne sommes pas arabes, nous sommes citoyennes Algériens, notre identité est Algérienne, notre culture est Algérienne et non arabe. 
Il ne s’agit point ici de revendications racistes, mais d’un refus d’assimilation à une culture qui n’est pas la nôtre, au refus de voir disparaître notre patrimoine culturel, au refus de voir dissoudre notre identité.
Si les Français refusent d’être sarrasins, souffrez que nous ayons la même volonté.
Nous sommes apostrophés chaque jour par ce discours islamiste mou dans la société française, qui lui seul semble avoir une tribune permanente dans la presse.
Nous avons été profondément heurtés dans nos consciences lorsque nous avons pu lire au matin qu’une ancienne Ministre de la République Française, laïque et démocratique, finissait de victimiser
une jeune fille voilée et exclue d’une émission de radio crochet pour des propos islamistes.
Oui, ses propos sont des propos issus de l’islam radical dont nous subissons les conséquences chaque jour dans nos chaires et nos consciences.
Madame Taubira qui par le passé n’a pas hésité à enterrer les ravages de la traite arabo-musulmane en Afrique noire, n’hésite pas aujourd’hui à flatter les islamistes qui aujourd’hui vont avoir un outil marketing incomparable, puisque la jeune fille en question va produire un album dont la promotion s’appuiera sur l’islamophobie.

Nous sommes de religion musulmane, nous sommes contre l’islamisme, serons-nous aussi traités d’islamophobe ? Nous rejetons immédiatement le discours hypocrite du c’est pas ça l’islam.
Si l’islam prôné par les salafistes c’est aussi l’islam, c’est un islam qu’il faut bannir, châtier, anéantir.
Ceux qui parlent d'islamophobie sont en premier lieu les islamistes, racistes, xénophobes, qui n’ont que pour conscience la haine de l’autre, l’animalisation de la femme, objet sexuel doté de la plus grande lubricité, qui faut voiler, faire taire, violer, humilier.

Chaque jour nous recevons des messages de détresse, de femmes battues toute la nuit, qui vont au commissariat, qui les renvoie avec leur détresse au tribunal qui tranchera en faveur de l’homme. Nous recevons régulièrement des messages de jeunes femmes dont certaines parlent de se suicider parce qu’elles ont perdu leur hymen hors mariage. 
Des femmes se font insulter parce qu’elles ne portent pas le voile, certaines sont menacées de mort par leur propre famille si elles ne portent pas le voile, d’autres sont violées parce qu’elles ne portent pas le voile. Les femmes violées sont obligées de se marier avec leur bourreau, des mineurs sont mariées de force.
Les athées sont pourchassés, les dissidents de la pensée radicale sont inquiétés par la police. Ceci est la réalité de la vie quotidienne des Algériens, et de tout ceci vous n’en faite jamais état, non vous victimisez les porteurs de messages islamistes, vous leur offrez de larges tribunes.
Comment le pays des droits de l’homme peut-il traiter Tariq Ramadan d’intellectuel ? Est-ce à dire que vous asseyez Tariq Ramandan aux côtés de Rousseau, Bergson, Arendt.
Non, ceci ne peut être supportable, Tariq Ramadan est un frère musulman, il prône un islam radical, il fait de la femme un animal, des autres croyances des animaux qu’il faut égorger, il est notre bourreau, et votre souhait est que nous adoubions notre bourreau, que nous le considérions comme un intellectuel sans malices qui porte la bonne parole.

Nous sommes Kaméliens
Kamel Daoud EST un intellectuel, nous sommes Kaméliens dans l’âme, nous refusons cette arabité que l’on nous fait subir, nous refusons cet intégrisme religieux qui nous opprime, nous tue, nous viole nos consciences et nos corps.
Nous qui avons subi la décennie noire, qui avons vu nos frères se faire massacrer par les islamistes,
nous ne pouvons supporter de voir nos bourreaux d’hier se pavaner et glouglouter sans cesse dans la presse sans qu’il n’y ait un débat contradictoire.
Notre page qui comptait plus 500 000 vues, 60 000 abonnés a été supprimée par Facebook sous la pression répétée des islamistes. D’autres pages créées par des femmes ont connu le même sort. Qui a évoqué un jour cette censure ? Personne.
Que l’on censure des gens qui prône la laïcité, le respect, qui se positionne contre les islamistes n’intéresse personne.
Mais tout le monde s’insurge que l’on exclue d’une émission une jeune femme qui porte un discours radical. S’il existe des musulmans laïques, qui prônent une pratique de la religion qui doit rester dans l’intime. 
S’il y a des Algériens profondément laïques, des athées, des chrétiens, des juifs, des agnostiques qui veulent vivre ensemble et en paix, et laisser le fait religieux à l’entrée de leur demeure.
S’il y a des croyants qui respectent les femmes, qui sont contre le voile, pour l’égalité entre les hommes et les femmes, qui sont respectueux des autres, profondément pacifistes, qui ne passe pas leur temps à regarder en arrière, qui sont choqués et bouleversés qu’un pays détruise des écoles pour construire des mosquées.
Nous voulons aussi que ces voix soient portées, nous souhaitons aussi qu’ils aient leur tribune, nous souhaitons aussi qu’ils apparaissent dans les débats publics.  En leur donnant la parole, en leur laissant la possibilité d’exprimer leur pensées, leurs souhaits, vous verrez que vous couperez les arguments des extrémistes politiques, car oui, des algériens sont intégrés dans d’autres pays, et sont profondément meurtris dans leur âme quand ils voient les bourreaux qu’ils ont fui hier, passer de média en média pour répandre leur haine.

Les Algériennes

Facebook : @touteslesalgériennes

mercredi 14 février 2018

Je suis laïque…

Pourquoi j’ai signé l’appel ? Parce que je suis laïque.

Et Pourquoi je suis laïque et comment je suis laïque ?

La question n’est pas simple. Et pourtant la réponse n’est pas compliquée.
Je suis laïque parce que j’ai vu de très près, dans les années 1980 et 1990, les ravages que provoque la religion lorsqu’elle sert de combustible à une occupation totalitaire du terrain politique.
Je suis laïque parce que j’ai vu des jeunes en déshérence manipulés par des sergents recruteurs, les poches pleines de dollars des pétromonarchies wahhabites, devenir des machines à tuer au nom d’une épuration morale basée sur un usage hermétique et exclusif du fait religieux.
Je suis laïque parce que j’ai vu, en Algérie et dans de nombreux pays où l’islam est religion d’Etat, des politiques, des dirigeants jouer avec le feu de la religion avant de se faire ingérer, et devenir eux-mêmes les plus dangereux des pyromanes. 
Je suis laïque par fidélité à la mémoire et au combat de mes amis victimes de l’islamisme, j’allais dire des islamismes, car je pense à l’islamisme réel, visible, et à l’islamisme masqué, celui-là-même que certains gouvernements utilisent pour se débarrasser de certains de ses opposants. 
Je suis laïque non pas par posture intellectuelle mais parce que, né « musulman sociologique » pour reprendre l’expression de Maxime Rodinson, je veux être défini à partir de mon appartenance et de mon engagement citoyen. 
Je suis laïque, en fait, parce que je ne veux être caractérisé ni par ma religion, ni par mes origines ethniques.
Je suis laïque parce que j’ai envie d’être libre dans l’expression de mes opinions et que si je respecte le sacré, il n’y a cependant aucune raison pour que je l’adore. 
Je suis laïque par goût de la liberté, celle des autres, la mienne. Toutes les libertés : démocratique, citoyenne, d’expression, de confession. 
Je suis laïque car, quand je suis arrivé en France en 1993 chassé de chez moi
précisément par l’islamisme, j’ai été outré de voir que la République de la loi de 1905 offrait alors plus et mieux d’asile aux islamistes venus recharger leurs accus après leurs crimes, qu’aux laïques, leurs victimes.
Je suis laïque parce que je n’ai jamais compris pourquoi certains de mes amis de gauche, en France, me disaient en toute bonne foi, sans mauvais jeux de mot, que la laïcité hors de France était un pâle mimétisme. Et que par conséquent, au nom d’un relativisme culturel fatal, il nous fallait en Algérie accepter une république islamiste. 
Je suis laïque parce que je ne veux pas qu’en raison de mon prénom et de mon patronyme-à-consonance, on me somme, chaque fois que le terrorisme frappe, de dénoncer les extrémistes islamistes. Comme si du seul fait que je m’appelle Arezki, je suis comptable de l’islam, de l’islamisme, du terrorisme…
Je suis laïque parce qu’un jour, dans une réception avec mes amis de gauche, j’ai refusé de prendre un verre de vin parce que j’avais sans doute trop bu la veille, on me décoche la flèche essentialisante : « Tu ne bois pas à cause de l’Islam ? ».
Je suis laïque parce que je ne veux pas que se reproduise l’incident qui est arrivé à un de mes amis, qui porte lui aussi un nom-à- consonance et qui a le fasciés qui va avec, qui, un jour de ramadan, a été menacé par des jeunes à Montreuil parce qu’il avait un sandwich a la main…
Je suis laïque parce que je ne veux pas être assigné a une identité essentialisée, et péjorée, ni ici ni ailleurs et où que je sois, je voudrais être un citoyen, et rien qu’un citoyen, sans aucun complément d’objet direct ou indirect…
Je suis laïque car, ici, mon patronyme laisse penser forcément que je suis trop musulman et que ce n’est pas bien et qu’en Algérie je ne le suis pas assez et c’est pire…
Je suis laïque parce que, militant dans une association laïque, je suis dubitatif de voir qu’on nous prive de subventions et qu’on se précipite pour cajoler a coups de largesses électoralistes des associations qui ne cachent pas leur contenu communautariste et religieux.
Je suis laïque parce qu’une nation, une société, ne se définit pas par des croyances religieuses mais par un projet commun et la volonté de vivre ensemble dans des règles claires qui respectent les droits de chacun et impose les mêmes devoirs a tous.
Je suis laïque car je constate, sans aucune difficulté, que ce sont les milieux les plus socialement défavorisés qui sont exposés à subir les injustices sociales mais aussi à l’exploitation des frustrations sociales les Vendeurs de Paradis. 
Je suis laïque parce que … Je peux continuer comme ça longtemps….
Je suis laïque tout simplement parce que je suis pour la justice sociale et que sans la laïcité, elle ne peut pas s’accomplir. 
Arezki Metref
Courtoisie de l’auteur.
Paris, samedi 10 février 2018.

vendredi 26 janvier 2018

Denise Bombardier

Il faut le répéter. La majorité des Québécois musulmans ne fréquentent pas la mosquée. La majorité des femmes musulmanes ne portent pas le voile. Et il existe au Québec une association de Nord-Africains musulmans pour la laïcité.
Ces centaines de milliers de musulmans n’ont qu’un but dans la vie : s’intégrer au Québec. Ils sont venus chez nous pour respirer la liberté et pour échapper souvent aux barbus fondamentalistes de leur pays d’origine. On pourrait dire d’eux qu’ils appartiennent à la majorité silencieuse musulmane.
Ils gardent profil bas, mais ceux qui appartiennent à cette association qui défend la laïcité, par exemple, font constamment l’objet de dénonciations. Comme ce qui arrive aux Québécois de souche, ils sont accusés d’islamophobie. Hier, Le Devoir a publié un texte de musulmans qui se réclament des valeurs rassembleuses du Québec et dénoncent ceux qui, enfermés dans leur identité religieuse, sont les prosélytes d’un islamisme provocant, intolérant et mortifère.
Culpabilité
On doit refuser de se faire bâillonner par les fondamentalistes qui ont compris que trop de Québécois sont naïfs et facilement culpabilisés. Ils utilisent des arguments enflammés pour décrire un Québec islamophobe.
Ces fous de Dieu déploient leurs tentacules jusque dans les antichambres des cabinets ministériels, dont celui d’abord du premier ministre Couillard. Car ces défenseurs de l’islam fondamentaliste ont réussi dans un premier temps à impressionner le chef du gouvernement. Ce dernier semble maintenant faire marche arrière en abandonnant leur proposition de faire du 29 janvier une journée officielle contre l’islamophobie.
La commémoration lundi prochain de la tragédie de la mosquée de Québec où 6 musulmans ont été tués et 8 autres blessés par Alexandre Bissonnette, un Québécois de souche, ne peut en aucune façon permettre à des combattants islamistes d’offenser tout un peuple.
Compassion
Ce peuple, d’ailleurs, qui s’est conduit avec tant de douleur contenue et exprimant une indignation devant ces actes de barbarie et de la compassion à l’endroit des compatriotes musulmans, a été bafoué. Dans leur texte d’hier, les auteurs affirment ceci : « C’est bien plus d’un islam ostentatoire et politisé et de doléances d’une prétendue communauté musulmane qu’il a été question. » Ils se réfèrent ainsi aux funérailles officielles de 2017 détournées en quelque sorte, et ce, avec la connivence des autorités gouvernementales, par des imams promoteurs d’un certain islam qui pose problème.
Ce sont les mêmes imams, on le suppose, qui ont convaincu le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence d’organiser un colloque ces jours-ci sur le « vivre ensemble » en invitant des « experts » algériens pour nous prêcher la bonne nouvelle islamiste en hommage supposé aux victimes du 29 janvier. N’oublions pas que l’Algérie peine à contrôler le courant salafiste qui imprègne la société algérienne tout entière. Et il faut ajouter que le colloque a reçu la bénédiction du gouvernement canadien. Le communautarisme de Justin Trudeau est apprécié­­­ des fondamentalistes islamiques. C’est bien connu.
Ce n’est pas avec cette commémoration bruyante et déplacée que les victimes du 29 janvier vont reposer en paix. Les Québécois non plus, d’ailleurs.
Denise Bombardier

http://www.journaldemontreal.com/2018/01/26/les-quebecois-musulmans

jeudi 25 janvier 2018

Un an après l'attentat de la mosquée de Québec, apaiser le climat social


Un détournement inacceptable
Depuis l’odieux attentat survenu il y a un an à la mosquée de Québec, quelque chose s’est brisé dans le tissu social. Dès le lendemain du meurtre, des publications diffamatoires affichant des personnalités du Québec les mains tachées de sang circulent sur Internet, et des accusations à peine voilées associent l’attentat aux partisans de la laïcité. Les Québécois sont accusés de racisme et d’islamophobie sur toutes les tribunes, et une consultation sur le racisme et la discrimination est annoncée par le gouvernement quelques mois plus tard.
Ce festival des amalgames n’a fait que polluer le climat social, polariser le débat et alimenter l’hostilité envers l’islam et les musulmans. Rappelons que l’enquête est toujours en cours et que personne n’en connaît l’issue.
Un an après, un temps d’arrêt est plus que nécessaire afin de soutenir les veuves, les orphelins, les proches des défunts, et de rendre un dernier hommage, dans le recueillement et la sérénité, à nos concitoyens Ibrahim Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti.
Occasion de rapprochement
Un tel moment de recueillement peut être une excellente occasion de rapprochement entre Québécoises et Québécois de toutes origines. Mais cela ne peut se faire que si l’on mise sur des valeurs citoyennes rassembleuses, et non pas sur des identités religieuses réductrices et polarisantes.
Malheureusement, l’instrumentalisation de la tragédie à des fins idéologiques et de promotion d’un certain islam n’a échappé à personne, et ce, dès le lendemain de la tuerie. Zahra Boukersi, proche parente d’Abdelkrim Hassane, victime de l’attentat, dénonce la mainmise d’imams et d’intervenants communautaires sur l’organisation de la cérémonie officielle des funérailles.
Beaucoup de musulmans ne se sont pas reconnus dans cette cérémonie loin des traditions et de la sobriété qu’impose leur religion dans de telles circonstances. En guise d’oraison funéraire et d’hommage aux victimes, c’est bien plus d’un islam ostentatoire et politisé et de doléances d’une prétendue communauté musulmane qu’il a été question.
Et c’est bien d’islam et d’islamophobie que l’on s’apprête à nous entretenir un an plus tard. Dans le cadre des commémorations, le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) organise un colloque intitulé « Pour le vivre-ensemble avec nos différences » qui rassemble principalement des intervenants d’associations à référent islamique. « Nous allons discuter sur ce qu’est l’islam », selon les mots mêmes de Boufeldja Benabdallah, cofondateur du Centre culturel islamique de Québec.
Et pour parler d’islam, le colloque donnera la parole, en particulier, à des « spécialistes » recommandés par l’ambassade du Canada en Algérie. Quel message veut-on lancer à la société québécoise en envoyant des experts venus d’un pays étranger ? D’autant plus que l’Algérie, dont le gouvernement ne parvient pas à endiguer la salafisation de sa société, n’est pas une référence en matière de vivre-ensemble.
Et comment ne pas se questionner sur les méthodes du CPRMV, qui privilégie la parole de religieux plutôt que celle d’organisations citoyennes représentatives des différents groupes sociaux du Québec, pour favoriser le vivre-ensemble ?
Les dérapages d’un discours normatif
Tout au long de l’année, des imams et des « leaders » autoproclamés des musulmans ont contribué à cristalliser une image provocatrice de l’islam. Le comble de la provocation a été la campagne menée contre l’article de loi réglementant l’offre et la prestation de service à visage découvert (article 10 du PL62).
Le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC), celui-là même qui réclame l’instauration d’une journée officielle contre l’islamophobie, porte plainte contre le gouvernement du Québec pour réclamer le droit de porter le niqab en tout temps. Pourtant, ce symbole de réclusion des femmes est bien plus lié à l’idéologie salafiste qu’il est un signe religieux, étant même interdit lors du pèlerinage à la Mecque.
S’alliant au mouvement de contestation, des intellectuels et des groupes d’une certaine gauche montent aux barricades pour accuser d’islamophobie tous ceux qui s’expriment contre le niqab, et plus largement contre tous ceux qui soutiennent la laïcité au Québec et résistent à l’ingérence des règles religieuses dans notre société.
Nous sommes outrés que des élites de la société, des universitaires, des intellectuels participent à jeter l’anathème sur des citoyens. Nous-mêmes, Québécoises et Québécois de culture musulmane qui ne correspondent pas à leur vision transmise de l’islam, sommes accusés d’islamophobie.
Ces personnes éduquées sont-elles conscientes qu’en Égypte, en Algérie et dans bien des pays musulmans dont les populations ont souffert et souffrent encore des exactions islamistes, des personnes sont persécutées pour des accusations d’offense à la religion et d’apostasie ? Ces intellectuels, en accusant des musulmans du Québec d’islamophobie, usent d’intimidation à leur égard et les mettent en danger, eux et leurs familles restées au pays.

Il est temps de mettre fin à ce tapage dangereux en évitant d’exacerber des tensions qui n’ont pas lieu d’être. La dernière chose dont nous avons besoin au Québec, c’est de sermons sur l’islam et l’islamophobie. Dans ce contexte, nous saluons la sage décision des premiers ministres du Canada et du Québec de ne pas donner suite à la demande d’une journée contre l’islamophobie et de privilégier une journée de commémoration et de recueillement à la mémoire des victimes. Ce n’est pas à travers des appartenances religieuses, mais bien en tant que citoyens attachés au Québec que nous pouvons favoriser le rapprochement et la cohésion sociale.
Ferid Chikhi,
Nadia El-Mabrouk
Ali Kaidi
Leila Lesbet
Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL)  
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/518399/attentat-a-la-mosquee-de-quebec-un-an-apres-apaiser-le-climat-social       

Les petits contes voilés*

Le voilement des fillettes soulève des questions importantes quant à sur leur liberté, leur autonomie corporelle et leur dignité, en particu...