mercredi 14 février 2018

Je suis laïque…

Pourquoi j’ai signé l’appel ? Parce que je suis laïque.

Et Pourquoi je suis laïque et comment je suis laïque ?

La question n’est pas simple. Et pourtant la réponse n’est pas compliquée.
Je suis laïque parce que j’ai vu de très près, dans les années 1980 et 1990, les ravages que provoque la religion lorsqu’elle sert de combustible à une occupation totalitaire du terrain politique.
Je suis laïque parce que j’ai vu des jeunes en déshérence manipulés par des sergents recruteurs, les poches pleines de dollars des pétromonarchies wahhabites, devenir des machines à tuer au nom d’une épuration morale basée sur un usage hermétique et exclusif du fait religieux.
Je suis laïque parce que j’ai vu, en Algérie et dans de nombreux pays où l’islam est religion d’Etat, des politiques, des dirigeants jouer avec le feu de la religion avant de se faire ingérer, et devenir eux-mêmes les plus dangereux des pyromanes. 
Je suis laïque par fidélité à la mémoire et au combat de mes amis victimes de l’islamisme, j’allais dire des islamismes, car je pense à l’islamisme réel, visible, et à l’islamisme masqué, celui-là-même que certains gouvernements utilisent pour se débarrasser de certains de ses opposants. 
Je suis laïque non pas par posture intellectuelle mais parce que, né « musulman sociologique » pour reprendre l’expression de Maxime Rodinson, je veux être défini à partir de mon appartenance et de mon engagement citoyen. 
Je suis laïque, en fait, parce que je ne veux être caractérisé ni par ma religion, ni par mes origines ethniques.
Je suis laïque parce que j’ai envie d’être libre dans l’expression de mes opinions et que si je respecte le sacré, il n’y a cependant aucune raison pour que je l’adore. 
Je suis laïque par goût de la liberté, celle des autres, la mienne. Toutes les libertés : démocratique, citoyenne, d’expression, de confession. 
Je suis laïque car, quand je suis arrivé en France en 1993 chassé de chez moi
précisément par l’islamisme, j’ai été outré de voir que la République de la loi de 1905 offrait alors plus et mieux d’asile aux islamistes venus recharger leurs accus après leurs crimes, qu’aux laïques, leurs victimes.
Je suis laïque parce que je n’ai jamais compris pourquoi certains de mes amis de gauche, en France, me disaient en toute bonne foi, sans mauvais jeux de mot, que la laïcité hors de France était un pâle mimétisme. Et que par conséquent, au nom d’un relativisme culturel fatal, il nous fallait en Algérie accepter une république islamiste. 
Je suis laïque parce que je ne veux pas qu’en raison de mon prénom et de mon patronyme-à-consonance, on me somme, chaque fois que le terrorisme frappe, de dénoncer les extrémistes islamistes. Comme si du seul fait que je m’appelle Arezki, je suis comptable de l’islam, de l’islamisme, du terrorisme…
Je suis laïque parce qu’un jour, dans une réception avec mes amis de gauche, j’ai refusé de prendre un verre de vin parce que j’avais sans doute trop bu la veille, on me décoche la flèche essentialisante : « Tu ne bois pas à cause de l’Islam ? ».
Je suis laïque parce que je ne veux pas que se reproduise l’incident qui est arrivé à un de mes amis, qui porte lui aussi un nom-à- consonance et qui a le fasciés qui va avec, qui, un jour de ramadan, a été menacé par des jeunes à Montreuil parce qu’il avait un sandwich a la main…
Je suis laïque parce que je ne veux pas être assigné a une identité essentialisée, et péjorée, ni ici ni ailleurs et où que je sois, je voudrais être un citoyen, et rien qu’un citoyen, sans aucun complément d’objet direct ou indirect…
Je suis laïque car, ici, mon patronyme laisse penser forcément que je suis trop musulman et que ce n’est pas bien et qu’en Algérie je ne le suis pas assez et c’est pire…
Je suis laïque parce que, militant dans une association laïque, je suis dubitatif de voir qu’on nous prive de subventions et qu’on se précipite pour cajoler a coups de largesses électoralistes des associations qui ne cachent pas leur contenu communautariste et religieux.
Je suis laïque parce qu’une nation, une société, ne se définit pas par des croyances religieuses mais par un projet commun et la volonté de vivre ensemble dans des règles claires qui respectent les droits de chacun et impose les mêmes devoirs a tous.
Je suis laïque car je constate, sans aucune difficulté, que ce sont les milieux les plus socialement défavorisés qui sont exposés à subir les injustices sociales mais aussi à l’exploitation des frustrations sociales les Vendeurs de Paradis. 
Je suis laïque parce que … Je peux continuer comme ça longtemps….
Je suis laïque tout simplement parce que je suis pour la justice sociale et que sans la laïcité, elle ne peut pas s’accomplir. 
Arezki Metref
Courtoisie de l’auteur.
Paris, samedi 10 février 2018.

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