Pourquoi j’ai signé l’appel ? Parce que je suis laïque.
Et Pourquoi je suis laïque et comment je suis laïque ?
La question n’est pas simple. Et pourtant la réponse
n’est pas compliquée.
Je suis laïque parce que j’ai vu de très près, dans les années 1980 et
1990, les ravages que provoque la religion lorsqu’elle sert de combustible à
une occupation totalitaire du terrain politique.
Je
suis laïque parce que je ne
veux pas que se reproduise l’incident qui est arrivé à un de mes amis, qui
porte lui aussi un nom-à- consonance et qui a le fasciés qui va avec, qui, un
jour de ramadan, a été menacé par des jeunes à Montreuil parce qu’il avait un
sandwich a la main…
Je
suis laïque parce que j’ai vu
des jeunes en déshérence manipulés par des sergents recruteurs, les poches
pleines de dollars des pétromonarchies wahhabites, devenir des machines à tuer
au nom d’une épuration morale basée sur un usage hermétique et exclusif du fait
religieux.
Je
suis laïque parce que j’ai vu,
en Algérie et dans de nombreux pays où l’islam est religion d’Etat, des
politiques, des dirigeants jouer avec le feu de la religion avant de se faire
ingérer, et devenir eux-mêmes les plus dangereux des pyromanes.
Je
suis laïque par fidélité à la
mémoire et au combat de mes amis victimes de l’islamisme, j’allais dire des
islamismes, car je pense à l’islamisme réel, visible, et à l’islamisme masqué,
celui-là-même que certains gouvernements utilisent pour se débarrasser de
certains de ses opposants.
Je
suis laïque non pas par posture
intellectuelle mais parce que, né « musulman sociologique » pour reprendre
l’expression de Maxime Rodinson, je veux être défini à partir de mon
appartenance et de mon engagement citoyen.
Je
suis laïque, en fait, parce que
je ne veux être caractérisé ni par ma religion, ni par mes origines ethniques.
Je
suis laïque parce que j’ai
envie d’être libre dans l’expression de mes opinions et que si je respecte le
sacré, il n’y a cependant aucune raison pour que je l’adore.
Je
suis laïque par goût de la
liberté, celle des autres, la mienne. Toutes les libertés : démocratique,
citoyenne, d’expression, de confession.
Je
suis laïque car, quand je suis
arrivé en France en 1993 chassé de chez moi
précisément par l’islamisme, j’ai
été outré de voir que la République de la loi de 1905 offrait alors plus et
mieux d’asile aux islamistes venus recharger leurs accus après leurs crimes,
qu’aux laïques, leurs victimes.
Je
suis laïque parce que je n’ai
jamais compris pourquoi certains de mes amis de gauche, en France, me disaient
en toute bonne foi, sans mauvais jeux de mot, que la laïcité hors de France
était un pâle mimétisme. Et que par conséquent, au nom d’un relativisme
culturel fatal, il nous fallait en Algérie accepter une république islamiste.
Je
suis laïque parce que je ne veux
pas qu’en raison de mon prénom et de mon patronyme-à-consonance, on me somme,
chaque fois que le terrorisme frappe, de dénoncer les extrémistes islamistes.
Comme si du seul fait que je m’appelle Arezki, je suis comptable de l’islam, de
l’islamisme, du terrorisme…
Je
suis laïque parce qu’un jour,
dans une réception avec mes amis de gauche, j’ai refusé de prendre un verre de
vin parce que j’avais sans doute trop bu la veille, on me décoche la flèche
essentialisante : « Tu
ne bois pas à cause de l’Islam ? ».
Je
suis laïque parce que je ne
veux pas être assigné a une identité essentialisée, et péjorée, ni ici ni
ailleurs et où que je sois, je voudrais être un citoyen, et rien qu’un citoyen,
sans aucun complément d’objet direct ou indirect…
Je
suis laïque car, ici, mon
patronyme laisse penser forcément que je suis trop musulman et que ce n’est pas
bien et qu’en Algérie je ne le suis pas assez et c’est pire…
Je
suis laïque parce que, militant
dans une association laïque, je suis dubitatif de voir qu’on nous prive de
subventions et qu’on se précipite pour cajoler a coups de largesses
électoralistes des associations qui ne cachent pas leur contenu communautariste
et religieux.
Je
suis laïque parce qu’une
nation, une société, ne se définit pas par des croyances religieuses mais par
un projet commun et la volonté de vivre ensemble dans des règles claires qui
respectent les droits de chacun et impose les mêmes devoirs a tous.
Je
suis laïque car je constate,
sans aucune difficulté, que ce sont les milieux les plus socialement
défavorisés qui sont exposés à subir les injustices sociales mais aussi à
l’exploitation des frustrations sociales les Vendeurs de Paradis.
Je
suis laïque parce que … Je peux
continuer comme ça longtemps….
Je
suis laïque tout simplement
parce que je suis pour la justice sociale et que sans la laïcité, elle ne peut
pas s’accomplir.
Arezki Metref
Courtoisie de l’auteur.
Paris, samedi 10 février 2018.
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