La capacité de résilience des Québécois
Les polémiques sur les valeurs Québécoises,
l’intégration des immigrants originaires des pays arabo-musulmans … leurs
voiles, leurs dénonciations de ce qu’ils qualifient de racisme et la laïcité,
sont de retour dans les espaces publics après une élection remportée par la
majorité francophone.
Je me souviens qu’au moment de mon installation les
acquis de la révolution tranquille étaient palpables pour un immigrant venant
d’Algérie. Une de mes premières impressions n’avait rien à voir avec les
avancées politiques et encore moins la déconfessionnalisation que je croyais
généralisée aux autres institutions publiques et à l’espace public, même s’il y
avait profusion de noms de Saints et de Saintes donnés aux artères des villes
et des villages ainsi le nombre des églises. Elle touchait beaucoup plus, dans
ma tête de Nord-Africain, les signes du succès social et du progrès industriels
atteints par les Québécois. Mon intérêt initial concernait la transformation du
tissu économique en de multiples pôles industriels. Avec une carrière faite
dans les transports aériens, j’avais hâte de connaitre les sites professionnels
de Bombardier, Pratt & Whitney et CAE (chef de file mondial en formation
dans les domaines de l’aviation civile), les institutions internationales,
(IATA & OACI).
Il y avait aussi, la culture francophone, les arts
et les festivals de Montréal dont la renommée était internationale. Afin
regrouper mes connaissances du Québec, j’avais focalisé sur les actualités et
notamment celles relatives aux institutions politiques et l’organisation
citoyenne. Se faire une petite place au sein des CA d’organismes communautaires
n’était pas chose aisée. J’ai dû faire tester ma compréhension de ce que je
découvrais de la société Québécoise. J’avais beaucoup entendu parler de la
résistance du peuple Québécois francophone noyé dans un océan d’anglophones.
J’avais découvert que sa force résidait surtout dans sa résilience et dans sa
capacité à la transformer en force de l’innovation et de la créativité.
Les islamistes
étaient déjà au Québec
Ce que je n’avais pas anticipé c’était l’adage
suivant : ‘’ le passé te rattrape au moment où tu t’y attends le moins ‘’. En
mars 2002, j’avais commencé à rencontrer des Québécois. Une visite au
marché -
Jean Talon - s’était imposée. J’allais être marqué de façon magistrale. Un
terroriste islamiste, de mon quartier, était apparu dans l’encadrure de la
porte d’entrée du marché couvert. Nos regards s’étaient croisés. La main de mon
accompagnateur me tira de cette vision presqu’irréelle. L’Hacène, me dit ‘’ tu
sais très bien que le Canada, les USA, la Grande Bretagne et la France ont
accueilli ‘’nos terroristes’’. Il est là, comme demandeur d’asile politique et peut
être comme clandestin’’. Je me suis alor, demandé si sept millions de
francophones étaient stoïques ou naïfs face à 1.000 à 1.500 islamistes (C’était
déjà une évaluation au vu des 3.500 Algériens qui débarquaient à Montréal
depuis 1998) !?
J’avais pensé aux acquis sociétaux du Québec et je
conclus que la sécularisation avait fait de grands pas, mais en matière de
laicité beaucoup restait à faire surtout que la déconfessionnalisation de
l’école publique n’avait concerné que le Christianisme… Je m’étais aussi
demandé, si leur identité, leur culture, leur langue résisteraient à ce fléau
multidimensionnel, allié contre nature à une gauche réactionnaire ? J’avais
omis, par méconnaissance, le poids du multiculturalisme et ses effets sur la
ghettoïsation des communautés ethniques. Le ‘’Québécophobisme’’ incité par des
groupes d’individus formatés aux dogmes d’idéologies venues d’ailleurs,
aura-t-il un droit de cité ou sera-t-il annihilé ? Une question traversa mon
esprit : Peut-on désendoctriner ces personnes ? Une seule réponse confrontait :
Il faudra que les Québécois sortent de leur tolérance légendaire pour faire
face à l’autovictimisation et au retour sournois des idéologies à caractère
religieux.
‘’Un
nécessaire changement de culture institutionnelle’’
J’ai dû relire quelques pans de l’Histoire du Québec
pour mieux comprendre les différentes tendances. Je découvris qu’en 1997 un
amendement à la Constitution avait supprimé les privilèges confessionnels
détenus par les catholiques et les protestants [1]. Le Québec s’était engagé
dès mars 1999 à considérer avec attention le rapport élaboré sous la présidence
de Jean-Pierre Proulx et portait sur la place de la religion dans le système
éducatif. À la suite de cela, la Loi 118, adoptée le 14 juin 2000, était critiquée
par les tenants de l'école confessionnelle et par ceux de l'école laïque. Le
rapport Proulx aurait été plus adapté à la société moderne que le compromis
choisi par le ministre de l'Éducation. En octobre 2006, un avis du ministère [2]
de l’éducation relatif à la déconfessionnalisation scolaire au Québec
mentionnait ‘’ un nécessaire changement de culture institutionnelle ’’. Pour
moi, j’avais cru comprendre que la Révolution Tranquille avait été le creuset
de la construction d'une nouvelle identité nationale québécoise et une rupture
décisive entre l'Église et l'État. L’école déconfessionnalisée, a certes
façonné les futurs citoyens en leur inculquant des valeurs, des principes, des
repères sociétaux, et bien entendu tracé les contours d’une société moderne où
l’égalité les droits, les libertés fondamentales étaient puissantes, mais d’où
l’Histoire et la Culture spécifiques aux Québécois avaient été évacuées. Pour
moi, le processus était inachevé.
La laïcité,
seule, ne saurait et ne pourrait jouer ce rôle
De nos jours, des conférenciers, à partir de leurs
tours d’Ivoire, servent, sans scrupules des concepts redéfinis selon des
approches accommodante d’identités nouvelles. Or celles-ci investissent et
perturbent tous les espaces publics et privés. Quelques-unes sont mortifères et
anthropophages pour les autres. À ce stade de la réflexion, bien des citoyens
originaires d’Afrique du Nord se demandent si
ce Québec, qui les a accueillis,
n’est pas poussé sur un chemin dangereux pour le bien vivre ensemble. Ils pensaient
avoir laissé derrière eux, leurs islamistes et les atteintes à leur intégrité
pour les retrouver en pleine expansion en terre Québécoise. Or, c’est avec un
enthousiasme assumé qu’ils sont venus vivre et partager une vie sans considération
de leur appartenance religieuse. Un grand nombre parmi eux, applaudissent,
l’avènement du gouvernement Caquiste qu’ils estiment en mesure de proposer des
réponses conformes aux divergences affichées de quelques islamistes qui se
réclament d’idéologies incompatibles avec les valeurs de partage de la société
d’accueil. Ils ont aussi confiance dans sa volonté de profiter des
enseignements tirés des échecs de son prédécesseur pour consolider sérieusement
les acquis laïques du Québec. Le Québec est à la croisée des chemins, son
nouveau Premier Ministre, sait que pour s’en sortir, achever la
déconfessionnalisation est un dessein sensible. Il doit maintenir son option en
vue d’une laïcité tant réclamée par la majorité des citoyens et ainsi être au
diapason des défis relevés par les pionniers du Québec.
Ferid Chikhi
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