vendredi 12 août 2022

Ne serait-ce pas de la discrimination systémique ?

 HEC Montréal : Notre préférence va aux femmes voilées d’Algérie

La publicité d’attraction énoncée par les HEC Montréal est condamnable à plus d’un titre. Elle cible une catégorie de personnes, notamment des femmes venant d’Algérie mais spécifiquement celles qui sont voilées comme si les autres n’ont pas le droit de se porter candidates à cette offre. Pourtant, cette institution de formation se veut avec un accès universel.

Ce qui est absolument condamnable de la part de HEC c'est l'ignorance abyssale de cette institution qui se veut ou se dit scientifique en arborant une femme voilée dans une publicité destinée à attirer des étudiants/es algériens/algériennes.

Or, l'Algérie a une histoire sanglante avec le voile islamique et islamiste et non musulman faut-il le rappeler.

Des milliers de femmes, de jeunes filles et d'adolescentes ont été aspergées d'acide, kidnappées et violées, tuées, égorgées, éventrées, mutilées de la façon la plus barbare qui soit et c'est ce symbole, dont nous gardons les stigmates à jamais et qui font partie de nos plus douloureux cauchemars, qui est choisi par HEC Montréal.

Ce choix, non anodin, envoie deux messages, à nous les algériennes laïques : le premier est la banalisation des crimes commis pour imposer ce symbole dégradant qui n'est point religieux mais patriarcal, politique, rétrograde et misogyne et le second un affront aux parents des adolescentes à peine pubères et à toutes ces femmes innocentes arrachées à la vie sous les yeux horrifiés de leurs familles et de leurs proches dont le seul crime, si crime il y avait, était d'arborer leur chevelure tout comme le faisait la petite fille du prophète qui refusa cette injonction des islamistes, il y a de cela 14 siècles.

Mes amies/amis d'Algérie ne sont point étonnées-es de cet Occident cupide en perdition de valeurs humanistes et qui ne sait plus quoi inventer pour maintenir sa suprématie et son hégémonie.

Le souvenir récent de l'abandon des femmes Afghanes est encore vif dans nos mémoires.

À vouloir trop étreindre on finit par étouffer.

Ce que dit HEC Montréal, au pouvoir algérien à travers cette décadente publicité, que sa préférence va aux candidates voilées qui prétendent à ce programme.

Et aux Algériens en général, voilez vos filles si vous voulez qu'elles soient acceptées au Québec.

Les pays de la péninsule arabique et l'Iran n'ont font pas moins mais SANS AUCUNE CONDESCENDANCE. Leur misogynie est assumée avec arrogance et relativisée par le communautarisme occidental.

Quelle tristesse pour HEC qui gomme les femmes algériennes qui continuent de lutter pour leur dignité avec courage malgré les vicissitudes.

HEC Montréal choisit un message foncièrement patriarcal et misogyne pour communiquer avec les femmes qui se battent pacifiquement avec dignité pour leur liberté dans ce monde dit arabo-musulman, la nausée me soulève le cœur.

Leila Lesbet

Féministe laïque

AQNAL

https://www.ledevoir.com/societe/742974/jean-francois-lisee-condamne-une-publicite-de-hec-montreal-montrant-une-femme-voilee

dimanche 10 juillet 2022

Journée internationale des femmes sans voile

 

Migrantinnen für Säkularität & Selbstbestimmung 

Femmes pour la liberté

Communiqué de presse du 09/07/2022

Le 10 juillet est la Journée internationale des femmes sans voile. Ce jour-là, chaque année, des femmes portent une marguerite dans leurs cheveux pour exprimer leur solidarité avec les femmes musulmanes du monde entier qui s'opposent à l'obligation de porter le voile et qui défendent les droits universels des femmes.

Les droits de la personne incluent également le droit de vivre sans contraintes religieuses. En Iran, en Arabie saoudite, dans tous les pays où le gouvernement impose aux femmes des règles islamiques fondamentalistes, les femmes se battent pour leur liberté malgré des sanctions parfois draconiennes. Il en est de même en Afghanistan : Avec le retour des talibans au pouvoir, les femmes afghanes ont de nouveau été précipitées dans le pire des obscurantismes religieux. Elles sont à nouveau privées de leurs droits. Elles sont à nouveau soumises à l'apartheid des sexes et à l'obligation de se voiler. Pourtant, elles sont nombreuses à résister et à manifester dans les rues de Kaboul, la tête haute et le visage découvert. Les Afghanes revendiquent leur droit à une vie libre et indépendante.

Même en Europe, rien ne garantit aux filles et aux femmes issues de communautés majoritairement islamiques que leurs droits seront protégés. Bien au contraire, la représentation des musulmanes comme des femmes portant le voile, lancée par les islamistes, est même reprise par des instances officielles. Bien que plus de 70 pour cent des musulmanes en Allemagne ne se voilent pas, la représentation discriminatoire des musulmanes s'impose dans la publicité privée et les publications officielles. Ainsi, on abandonne les jeunes filles et les femmes qui, en Allemagne aussi, subissent de plus en plus de pressions pour se voiler.

C'est pourquoi nous revendiquons que la politique intérieure et extérieure mette fin à la collectivisation raciste et discriminatoire des filles et des femmes issues de communautés majoritairement islamiques en tant que musulmanes et respecte enfin les femmes en tant qu'individus jouissant de tous les droits humains.

À l'occasion de la Journée Mondiale des Femmes sans Voile, nous nous solidarisons avec toutes les résistantes au voile, que ce soit dans les pays dits islamiques ou ici en Occident. À partir du 10 juillet et pendant une semaine, nous publierons des citations de femmes avec le hashtag #UniversalWomensRights qui se battent pour des droits humains universels incluant les femmes.

Avec notre réseau international de femmes, nous demandons l'autodétermination pour toutes les femmes et l'application systématique des droits fondamentaux des femmes dans le monde entier.

mardi 26 octobre 2021

Culture et citoyenneté Québécoises AQNAL applaudit !

   
Rappel : Lors des travaux de la commission des institutions sur le projet de loi 21, AQNAL avait suggéré et fortement recommandé que le concept de citoyenneté  c’est-à-dire celui qui convient le mieux et le plus aux personnes soit celui de citoyennes-citoyens, des membres de la cité qui partagent un destin commun ? Et, de questionner : de quel droit une loi s’appliquerait à une personne qui se trouve dans une communauté et un espace qui lui est affecté, délimité par plusieurs frontières virtuelles celles des cultes, des cultures, etc. au lieu qu’elle le soit par son appartenance à la grande cité ?

Mieux encore, elle avait signalé que ‘’ beaucoup de nos concitoyens, appartenant au même espace culturel que le nôtre, exercent ‘’une veille de primauté citoyenne’’ inculquent les fondements de la critique objective et rationnelle à leurs enfants pour se protéger contre les différents discours religieux et sectaires qui leurs sont imposés et qui les menacent dans leur intégrité morale’’.

Elle a aussi souligné que ‘’c’est injuste, à notre avis, de leur enlever ce moyen intellectuel, éducatif et surtout pédagogique qu’ils ont suffisamment expérimenté et avec efficacité dans leur pays d’origine. Au contraire, nous pensons qu’il est judicieux de le protéger en respectant la liberté d’expression et de conscience’’.

C’est dire que c’est avec un intérêt particulier qu’aujourd’hui AQNAL applaudit la décision du gouvernement et du ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur, de transformer le cours Éthique et Culture Religieuse (ECR) en un cours de Culture et de citoyenneté québécoise.

Ce changement majeur dans les enseignements dispensés par les institutions scolaires entraînera une répercussion fondamentale sur le devenir des jeunes citoyennes et citoyens du Québec pour les propulser dans un monde en perpétuel changement. L’introduction du développement d’une pensée critique essentiellement recherchée depuis plus d’une décennie et l’approfondissement de la compréhension de la culture et de la citoyenneté québécoise constitueront un véritable espace pour le rapprochement et l’intégration de toutes et de tous à la société québécoise plurielle et diversifiée.

Plus de culture dans les établissements d’enseignement sera un tremplin pour mieux comprendre le partage des fondements des grandes dimensions de la société québécoise loin des agrégats importés et imposés par des attitudes et des comportements étrangers et étranges.  Il s’agira aussi de promouvoir un héritage et de constituer un patrimoine auxquels adhèrent les Québécoises et les Québécois de toutes origines.

Les fondements de la citoyenneté québécoise sont toujours en formation et leur appropriation par tous constituent le creuset d’une vie civique qui impose le respect de tous et par tous. Le tout cerné par une liberté d'expression respectueuse, de conscience, d'égalité entre tous et avec comme primauté la laïcité.

AQNAL, a toujours appelé à plus de citoyenneté et plus de respect des uns vis-à-vis des autres. Le nouvel enseignement à la culture et à la citoyenneté québécoise familiarisera les citoyennes et les citoyens aux droits et libertés individuels mais aussi collectifs en axant le tout sur les devoirs civiques de chacun.

Pour y parvenir, le gouvernement et son ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur privilégient le dialogue et la pensée critique, deux vecteurs qui aident à considérer avec attention les constructions culturelles, religieuses, scientifiques et sociales. C’est pour tout ce qui précède qu’AQNAL renouvelle son soutien au ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur pour avoir apporté ces transformations gages d’une société jalouse de sa diversité et de sa singularité rejetant les intolérances et favorisant le bien vivre ensemble.

mardi 3 août 2021

Crimes d'honneur ...

 «Dans ces sociétés où le patriarcat a force de loi, "crime pour l’honneur" se traduit par un crime contre les femmes», écrit l'autrice.

Leila Lesbet

Présidente de Pour les droits des femmes du Québec 

Lors du quadruple crime de la famille Shafia, n’avons-nous pas entendu une psychologue nous expliquer le dilemme dans lequel se trouvait le criminel Mohamed Shafia : déchiré entre sa culture d’origine et celle du pays dans lequel il avait choisi de vivre, excusant ainsi sa culpabilité par rapport aux trois corps de ses filles et celui de sa première épouse qui venaient d’être repêchés dans le canal Rideau. C’était le 30 juin 2009.

Peut-il y avoir un quelconque honneur dans un crime froidement planifié, réfléchi et programmé par des hommes dont la victime a un lien de sang direct avec ses criminels ?

Dans ces sociétés où le patriarcat a force de loi, « crime pour l’honneur » se traduit par un crime contre les femmes. Ce crime pour l’honneur concerne uniquement la femme : c’est le fardeau lié à notre sexe.

Dans ces sociétés, la femme appartient d’abord à sa « tribu », c’est-à-dire à son père, à ses frères, à ses oncles, à ses cousins et par extension à la gent masculine que constitue la société. Son corps ne lui appartient pas, il appartient à sa famille, laquelle s’octroie le pouvoir de vie ou de mort sur cette possible « bombe à retardement » qui porte, sans aucunement l’avoir souhaité, cet honneur de la famille que les hommes par lâcheté préfèrent lui déléguer.

Le 27 juillet 2021, quand un Sherbrookois de 22 ans est attaqué par quatre individus lors d’un possible « crime d’honneur », il est rapporté dans le Journal de Montréal que la police estime que « rien ne porte à croire que la victime aurait commis une quelconque faute ; il n’y aurait eu possiblement aucune relation intime ». Cette phrase lourde de sens donne à penser qu’une relation intime aurait rendu le crime acceptable. Vraiment ?

Le 29 juillet, à Kirkland, quand La Presse rapporte le cas d’une adolescente de 16 ans violentée par son frère sur son lieu de travail, le SPVM précise que « l’affaire est fort probablement “reliée à un conflit de violence intrafamiliale”, sans toutefois s’avancer sur l’éventualité d’un crime d’honneur pour le moment ».

Pour Nour (nom fictif de l’adolescente de Kirkland), les interdits sont nombreux : contrôle de sa tenue vestimentaire, de ses fréquentations, de ses textos, de son argent et du wifi résidentiel. Pourtant, ce cas éloquent n’est pas unique.

Il est de notoriété publique que les crimes dits « d’honneur » ont cette particularité de mettre en évidence l’appui de la « tribu » qui soutient les hommes qui les commettent. N’est-il pas lâche de s’organiser à plusieurs contre une seule personne appartenant au sexe dit faible ?

Les noms des personnes inculpées ne font réagir aucun imam pour dénoncer cette barbarie à l’endroit d’adolescentes innocentes.

Indifférence

Le plus insoutenable, car offensant au plus haut point, c’est la condescendance du gouvernement du Canada qui mène avec assurance sa politique communautariste dans laquelle nous sommes enfermées, condamnant ainsi sans appel nos protestations et niant nos aspirations.

Combien d’adolescentes vivent ce calvaire dans la plus grande indifférence ?

Combien de filles, d’adolescentes et de femmes auraient aimé témoigner de leur quotidien au procès de la Loi sur la laïcité de l’État ?

Combien d’entre elles auraient aimé être entendues au Sommet national sur l’islamophobie et proposer leurs recommandations ? Mais leurs voix, nos voix sont inaudibles.

Combien d’adolescentes victimes de ces crimes doivent taire les violences subies alors que le relativisme culturel sévit dans les écoles québécoises, où on banalise la présence des femmes dites musulmanes représentées toujours voilées, et cela conformément à un profilage établi selon l’origine géographique ou ethnique et souvent confondu avec la religion, comme dans le cours ECR ?

Il ne s’agit pas de stigmatiser une culture ou une religion, mais bien de dénoncer certains faits de culture ou de religion qui n’ont vraiment plus lieu d’être dans notre société d’aujourd’hui.

S’il y a déshonneur dans une relation entre une femme et un homme, demandons-nous qui porte l’honneur et qui assume le déshonneur ?

Nous, les femmes, sommes atterrées par le silence assourdissant du premier ministre du Canada et de toute la classe politique, tant au fédéral qu’au provincial.

Nous sommes consternées par le silence complaisant des organismes gouvernementaux dédiés aux droits des femmes.

Est-ce ce choix de société et de vivre-ensemble que nous voulons pour nos enfants ?

Leila Lesbet

Présidente PDFQuébec

In Le Devoir : Crimes au nom de l’honneur? | Le Devoir 

samedi 31 juillet 2021

Le trauma du voile selon une approche freudienne. 1*

 July 27, 2021 

La docteure en philosophie et écrivaine, Ginette Peland2* explique le concept de l’inquiétante étrangeté de Freud. Dans cet article, la vulgarisation faite du concept de l’« inquiétante étrangeté » de Freud se veut pédagogique pour celles et ceux que la philosophie pourrait rebuter. L’autrice nous explique, doctement, notre peur irraisonnée du voile ou plus précisément à la vue d’une femme voilée.

La philosophe essaie de nous expliquer notre supposée incapacité à être solidaires avec les femmes voilées et occulte volontairement que c’est la symbolique de l’objet « le voile » qui heurte notre dignité de femme musulmane, de culture, de traditions musulmanes et de féministes.

Le concept développé par Freud est aussi applicable à toute personne qui a choisi de se distinguer par un symbole chargé idéologiquement « le voile » au point de se confondre avec ce dernier et de l’imposer comme « son » identité. Choisir de ne pas porter le signe de « pureté et de modestie » fait que nous sommes rejetées, nous les femmes « moutabaridjates = vêtues mais nues ». Nous devenons étrangères et si différentes puisque « non voilées ».

C’est avec une condescendance assumée de femme dite « occidentale » que la philosophe explique, aux femmes laïques musulmanes ou croyantes de culture musulmane, que le rejet du voile tel que porté depuis la révolution iranienne est lié à notre trauma.  Elle invoque l’objet sans émettre le moindre mot sur sa symbolique et sur son histoire. Et c’est ainsi que la Kippa et le turban sikh pour les hommes sont associés au voile islamo-intégriste imposé à toutes les femmes.  Les deux premiers signes convictionnels ont une signification positive et valorisante pour les hommes, ce qui n’est point le cas du voile islamo-intégriste et non musulman, (comme la philosophe psychanalyste le précise si bien en le liant à Marie)

Plus on avance dans l’explication philosophique ou plutôt psychanalytique de notre peur ou refus du port du voile, plus il nous est suggéré de consulter un spécialiste des troubles psychiques.

Un peu de lecture sur l’histoire du voilement du corps de la Femme à travers l’histoire aurait dû interpeler la philosophe. La polysémie de l’objet dénoncé et son histoire depuis la vierge Marie ne semble pas l’intéresser ?

Ce qui ressort de son écrit c’est la dénonciation assumée du supposé trauma de nombre femmes occidentales qui lui sert de faire valoir pour dire aux femmes musulmanes ou de culture et/ou de traditions musulmanes pourquoi cherchent-t-elles à s’émanciper du voile de la vierge Marie ?

Dans les contrées infiltrées par le wahhabosalafisme, depuis 1979, où les femmes résistent au péril de leur vie, ces dernières ne méritent pas la solidarité de la philosophe freudienne ni sa compassion. Plutôt que de s’affirmer contre ce symbole patriarcal et oppressif, elle suggère une psychanalyse réduisant ce comportement à de simples réactions inconscientes. L’effacement des femmes sous un uniforme ne questionne pas notre « philosophe psychanalyste » pas plus que de savoir ce que symbolisent les cheveux de la femme dans la culture islamo-intégriste.

Nous qui sommes nées et avons grandi dans un pays musulman, nous pouvons affirmer n’avoir jamais connu cet uniforme avant l’expansion de la révolution iranienne en 1979. Le voile fut imposé aux femmes par le jet d’acide sur le visage et les jambes, le viol collectif, l’assassinat et la décapitation. Devrions-nous consulter un psychiatre pour surmonter notre peur afin de voir dans le voile un élément d’émancipation par la pudeur et la modestie ?

Dans tous les pays où l’islamisme a remplacé l’islam c’est la désolation pour la jeunesse mais c’est surtout la mort symbolique et physique des femmes. Cette sororité des féministes occidentales, envers les femmes que l’intégrisme opprime, est une solidarité porteuse d’espoir vers une victoire certaine.

La compassion se cultive chez les âmes bien nées.

Signataires

Leila Lesbet

Ferroudja Si-Hadj Mohand

Nacéra Chikhi

Yasmina Chouakri

Nacéra Zergane

Hakima Djermoune

Leila Bensalem

1* Envoyé à la Presse+ le 22 et 24-07-2021 JMD 25-07-2021-F

2*https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-07-18/l-inquietante-etrangete-de-l-autre-different.php

mercredi 21 avril 2021

La décision de la cour supérieur sur la loi21 : Deux poids deux mesures !

Par Micheline Labelle

Mme Micheline Labelle,

Vice-présidente des IPSO

Professeure émérite au département de sociologie de l’UQAM

Le jugement du juge Blanchard sur la Loi 21 vient d’être rendu public. Il prononce la validité de la Loi 21 et du recours à la clause dérogatoire mais il exclut la English Montréal Schoolboard du respect de la Loi en s’appuyant sur l’article sur les droits des minorités linguistiques de la Charte canadienne des droits.

Il s’agit de deux poids, deux mesures. Le juge implique que le milieu anglophone promeut davantage la diversité que dans les écoles

francophones. Ceci est faux. Il y a longtemps que le milieu scolaire francophone, y compris les universités francophones, ont des politiques d’éducation interculturelle et d’intégration, favorisent l’embauche de personnes issues des minorités et respectent les Programmes d’accès à l’égalité en emploi. Le juge s’appuie sur un expert américain Howard Dee qui  n’a jamais parlé de diversité religieuses à l’école, dans les études américaines consultées. Il a commenté la diversité ethnique, ce qui n’est pas la même chose. Hehman est un autre prof de McGill qui ne dit pas un mot de français et qui raisonnait dans le même sens. Et l’impact de cette exception sera le suivant : attirer les employées musulmanes dans le milieu scolaire anglophone. Ceci va absolument contre les politiques d’intégration historiques du Québec, aggrave les deux solitudes sur le plan sociologique et politique. C’est pourquoi dans le texte que je joins (ci-après), j’ai parlé de clash politique au sein de la société québécoise. Un apartheid intérieur.

Dérapages et préjugés autour de la Loi 21, texte lu lors de la Journée d’étude sur la Loi de la laïcité du Québec, 16 avril 2021.  

Les réflexions que je propose ici s’appuient sur ma contribution à notre ouvrage collectif Les enjeux de la laïcité au Québec ainsi que sur mes observations lors du procès contre la Loi 21, procès que j’ai suivi en direct, du début à la fin.     

J’ai d’abord pu constater le rapport de force inégal entre la  vingtaine (20) d’avocats qui ont soutenu la demanderesse Ichrak Nourel Hak, elle-même appuyée par 9 organisations nationales et internationales, telles que the National Council of Canadian Muslims, the World Sikh Organization of Canada, Amnistie internationale (section Canada francophone, etc) et les 8 ou 9 avocats qui ont défendu la Loi (parties défenderesses). Une telle offensive m’apparait démesurée. 

Les experts et les intervenants favorables à la Loi 21 se sont efforcés de rappeler que la Loi est le résultat d’un long processus historique,

que le signe religieux projette un message social qui révèle des convictions profondes, et qu’à cet égard l’abstention de ce signe religieux, comme celui des signes politiques et identitaires, durant les heures de travail, dans les institutions publiques, vise à respecter la liberté de conscience des enfants et des parents, ainsi que des collègues de travail et qu’il en va de l’intérêt collectif.   

Je me concentre ici sur trois types d’arguments anti Loi 21 qui révèlent, sur le plan sociologique, préjugés, voire mépris, et dont l’analyse serrée devra être faite un jour.

1.Premier type d’argument: la primauté du multiculturalisme canadien

Lors de sa plaidoirie le 7 décembre, Me. Perri Ravon, avocate de la Commission scolaire English-Montréal, a admis d’entrée de jeu que la Loi 21 s’inscrit dans le contexte historique et culturel du Québec et est adapté à sa tradition juridique.

Cela dit, il y aurait un clash entre la Loi 21 et la culture de la minorité anglophone. Ce mot clash m’a fait immédiatement penser à la thèse du choc des civilisations défendue par Samuel Huntington. Selon Me. Ravon, les écoles anglaises auraient un « mode de vie » (A WAY OF LIFE) spécifique. La Loi 21 envoie un message d’intolérance, incite à des frictions, ne défend pas les modèles de rôle (ROLE MODELS) associés à la présence de la diversité des enseignants dans les écoles. Et elle conclut que les droits à l’instruction dans la langue de la minorité (art. 28 de la Charte canadienne) doivent être interprétés selon l’article 27 de la Charte canadienne, soit avec « l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ». Une position claire et nette qui souligne bien les deux solitudes historiques.

Mais s’agirait-il d’un clash politique plutôt que culturel puisque tous les gouvernements du Québec, sans compter la plupart des associations culturelles et citoyennes québécoises, ont rejeté le multiculturalisme canadien?   

L’idée de la supériorité politique et culturelle de la minorité anglophone se dégage de la plaidoirie de Me Ravon. Cette posture pourrait être d’autant plus offensante qu’elle masque les acquis historiques que représentent les politiques publiques du Québec en matière d’aménagement de la diversité dans l’enseignement en particulier (PAE, programmes d’interculturalisme, formation contre le racisme, etc.) et qui ont suscité l’intérêt de chercheurs étrangers. 

On pourrait aussi lui objecter les effets de la sous-représentation de la diversité dans les écoles monoethniques et monoreligieuses financées en partie par le gouvernement du Québec.

2.Deuxième type d’argument:  le racisme allégué de la majorité francophone

Au cours du procès, le sociologue Paul Eid, expert pour la partie anti Loi 21,  a soutenu que les attitudes anti musulmans seraient plus nombreuses au Québec que dans le reste du Canada. Ceci serait attribuable au « racisme culture l», une notion délicate,  de la majorité francophone (qu’il qualifie ailleurs de blanche). Au-delà des difficultés que représente la comparaison des sondages en matière d’attitudes, peut-on réellement parler de racisme dans ce cas? Cette interprétation a été précisément discutée par les experts Gilles Gagné et Yannick Dufresne qui ont démontré que la différence d'appui à la laïcité entre le Québec et le ROC s'explique principalement par le niveau de religiosité plus faible, voire l’anticléricalisme des Québécois et non par des attitudes antimusulmans.

Selon le psychologue Richard Bourhis, un autre expert , ce qui serait en cause ici, c’est l’opposition des catégories sociales « Eux/Nous ». Soit les minoritaires musulmans, qu’il qualifie de BRUNS, victimes de discrimination (le Eux, d’un côté), et la « majorité nationale québécoise francophone » (le Nous, de l’autre côté). Bourhis se base sur des expériences entreprises auprès d’élèves en classe et il les projette sur la société globale, ce qui ne peut pas se défendre sur le plan sociologique, ni du point de vue théorique, ni du point de vue méthodologique. 

Et Bourhis prédit que les dispositions de la Loi 21, je cite : « ont pour but avoué, à long terme, d’exclure par l’usure toutes les minorités religieuses portant des signes religieux du système scolaire du Québec », ce qui aura de graves répercussions dans le milieu du travail et causera des torts psychologiques, sociaux et de santé. 

Or, on peut faire une hypothèse inverse. La loi 21 pourrait avoir au contraire un effet pacifiant dans les milieux de travail et un effet d’intégration citoyenne des minorités dites visibles et religieuses qui, ne l’oublions pas, font partie des cibles  privilégiées des programmes d’accès à l’égalité en emploi du Québec et des programmes en pleine croissance que l’on nomme EDI (équité, diversité, inclusion).

On notera ici l’intrusion en plein procès du mot BRUN. Une catégorie colorée que s’est attribué pour lui-même le professeur de droit Amir Attaran. Un ajout à l’idéologie raciste et coloniale qui a classé historiquement les êtres humains en présumées races jaune, blanche, noire, rouge.

Je ne peux pas faire état de l’ensemble des stéréotypes, préjugés et du mépris manifestés directement ou indirectement lors du procès, dans les médias ou dans les écrits d’universitaires. Quelques exemples suffiront.

Ex. Me. Hussain, avocat des parties anti Loi 21, a fait allusion à l’antisémitisme des Québécois francophones au cours des années

1930 tout en passant sous silence l’antisémitisme des anglophones à la même époque. Il a aussi évoqué les lois de Nuremberg et je cite : « Les lois de Nuremberg ne sont pas venues en situation de guerre. Elles étaient inimaginables mais elles sont devenues réalité. Et s’adressant au juge: « Votre jugement va vivre longtemps. Si la Loi est acceptée, rien ne préviendra des violations plus extrêmes basées sur l’opinion majoritaire.

Ex. Me Bourget, autre avocat des parties anti-Loi , a posé la question suivante au témoin Nadia El Mabrouk, et le cite :: « Je viens de manger un bagel avec bacon et fromage: est-ce que ça vous dérange? ».  Voici un  préjugé qui frise l’insulte grossière car il laisse sous-entendre qu’en tant que musulmane favorable à la Loi 21, Nadia El Mabrouk pourrait être intégriste et ne pas tolérer le porc.  

Quant au juge Blanchard, il a posé à Nadia El Mabrouk une question sur ses convictions indépendantistes.  

Il a aussi demandé à un expert: « Si un enseignant était « noir », refuserait-on de l’embaucher? », établissant ainsi un lien saugrenu entre un attribut biologique non choisi, et une particularité religieuse à laquelle on adhère par choix ou par coercition.  Dans tous ces cas, peut-on parler d’un manque d’intelligence culturelle dans la pratique du droit?   

3. J’en arrive au troisième type d’argumentation: l’impératif de la décolonialité

La théorie de la décolonialité est un paradigme s’imposant de plus en plus dans les universités et la contestation sociale. Cette théorie se consacre à l’analyse des dispositifs de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale, produits par les administrations coloniales et dont les effets systémiques persistent dans les sociétés contemporaines. Cette thèse que j’estime très importante, en particulier pour l’analyse de la question autochtone, est souvent utilisée hors contexte 

Au Québec, pour attaquer la Loi 21, entre autres, cette thèse se conjugue avec la théorie de la blanchité, une théorie inspirée des Whiteness Studies américaines qui vise à dénoncer la suprématie blanche, les normes blanches, le privilège blanc, et au Québec la « majorité blanche francophone ».    

À ce sujet, certains tiennent un discours carrément corrosif. Ainsi un universitaire  anti Loi 21  parle de « la blanchité hégémonique et répressive du groupe dominant et de son innocence non raciste ». On trouvera d’autres exemples du même acabit dans l’ouvrage Modération ou extrémisme.

Autre exemple de mépris. La militante voilée Idil Issa, invitée à participer récemment à une conférence organisée par Amnistie international ( Canada francophone), a déclaré ce qui suit  et je cite:  « Le Québec est déjà différent. La loi 21 est le dernier essai d’un vieux Québec (….). Il faut mobiliser, parler à vos amis, créer des groupes sur internet () Comme j’ai dit parfois c’est les démographics qui vont gagner finalement (). La Loi 21 ne restera pas au Québec, ça c’est certain, que ce soit l’année 2,300 on ira jusqu’au bout ». Cette militante est membre du Conseil interculturel de la Ville de Montréal.

Mais je n’ai pas le temps d’approfondir.

POUR CONCLURE, trois remarques.

1)D’abord les préjugés étant prégnants dans la société, toutes les personnes en autorité (juges, avocats, policiers, enseignants), profiteraient d’une formation sur le racisme et sur ce qui n’en est pas, autrement dit sur les abus de cette notion. Par ailleurs, l’antiracisme concerne la société dans son ensemble. Racisme et sexisme font partie de la culture du système monde et ceci concerne majorités et minorités.  

 

2)Deuxièmement, les minorités ne sont pas des totalités homogènes, pas plus que la majorité francophone. Plusieurs personnes issues des minorités appuient la Loi 21. Parmi elles, les citoyens qui ont

souffert de l’expansion de l’idéologie wahhabosalafiste dans leur pays d’origine, qui l’ont fui à titre de réfugiés, de demandeurs d’asile ou d’immigrants, et qui s’inquiètent de retrouver une mouvance religieuse radicale au Québec qui leur rappelle de mauvais souvenirs. Il faut lire à ce sujet le poignant témoignage de Leila Lesbet , publié sur Face Book. Leila Lesbet est membre d’AQNAL (Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité).

 

3) Troisièmement, pour comprendre le débat en cours sur la laïcité, on ne devrait pas se centrer exclusivement sur ce qui se passe au Québec. Or, le grand absent du débat, au procès comme dans l’ensemble de notre société, c’est précisément l’analyse et la prise en compte de la mouvance religieuse intégriste mondiale qui s’appuie sur le multiculturalisme et les tribunaux et pratiquent l’entrisme dans les institutions de défense des droits de la personne. Une situation que ne peut laisser échapper la société québécoise, car elle n’est pas un isolat.

 

Le sociologue Paul Eid a écrit dans son rapport d’expert que « rien n’indique, d’après les recherches existantes, que le choix des musulmanes québécoises et canadiennes de porter le hijab serait dicté par des institutions, des autorités ou des courants religieux (ex. salafisme, wahhabisme, soufisme) » (idem: par.104 du rapport). On peut s’étonner d’une telle affirmation.  

 

 Il faut dire que les études sur le terrain sont extrêmement difficiles à faire. Mais elles ont été faites dans d’autres pays. S’appuyer sur de bons informateurs clés (c’est l’anthropologue en moi qui parle) serait un point de départ essentiel. 

 ML.

Loi 21, la décision de la cour supérieure la valide avec un mais .... !?

1) Ce qui suit est juste un questionnement ...

En distinguant la minorité anglophone du reste de la population Québécoise, la décision du juge Blanchard en ce qui a trait à la loi 21 fait dans la discrimination. En réponse à cette décision, le Ministre de la justice Simon Jollin Barrette déclare que « Les lois du Québec doivent s’appliquer pour tous et sur l’ensemble du territoire québécois. Il n’y a pas deux Québec, il y en a un seul».

Ce qui se passe pour les Anglophones du Québec serait-il pareil pour les Francophones des autres provinces ?


2) Le Québec comme province du Canada, depuis fort longtemps, se voit imposer l’obligation de reconnaitre les droits spécifiques de la population historique anglophone résidant sur son territoire.

Selon la symétrie des formes cette obligation devrait aussi être imposée aux Francophones des autres provinces. Alors une question de base se pose : Émettant l’hypothèse qu’une loi de l’Ontario ou du Manitoba est adoptée par l’une des deux assemblées nationales de ces provinces et que les Francophones de celles-ci ne soient pas d’accord et qu’ils se plaignent à la cour supérieur de la province, le juge en charge du dossier donnera t’il leurs droits aux francophones ?

Selon toute vraisemblance, la réponse pourrait être négative. Alors … Réfléchissons ensemble …


Les petits contes voilés*

Le voilement des fillettes soulève des questions importantes quant à sur leur liberté, leur autonomie corporelle et leur dignité, en particu...