mercredi 21 avril 2021

La décision de la cour supérieur sur la loi21 : Deux poids deux mesures !

Par Micheline Labelle

Mme Micheline Labelle,

Vice-présidente des IPSO

Professeure émérite au département de sociologie de l’UQAM

Le jugement du juge Blanchard sur la Loi 21 vient d’être rendu public. Il prononce la validité de la Loi 21 et du recours à la clause dérogatoire mais il exclut la English Montréal Schoolboard du respect de la Loi en s’appuyant sur l’article sur les droits des minorités linguistiques de la Charte canadienne des droits.

Il s’agit de deux poids, deux mesures. Le juge implique que le milieu anglophone promeut davantage la diversité que dans les écoles

francophones. Ceci est faux. Il y a longtemps que le milieu scolaire francophone, y compris les universités francophones, ont des politiques d’éducation interculturelle et d’intégration, favorisent l’embauche de personnes issues des minorités et respectent les Programmes d’accès à l’égalité en emploi. Le juge s’appuie sur un expert américain Howard Dee qui  n’a jamais parlé de diversité religieuses à l’école, dans les études américaines consultées. Il a commenté la diversité ethnique, ce qui n’est pas la même chose. Hehman est un autre prof de McGill qui ne dit pas un mot de français et qui raisonnait dans le même sens. Et l’impact de cette exception sera le suivant : attirer les employées musulmanes dans le milieu scolaire anglophone. Ceci va absolument contre les politiques d’intégration historiques du Québec, aggrave les deux solitudes sur le plan sociologique et politique. C’est pourquoi dans le texte que je joins (ci-après), j’ai parlé de clash politique au sein de la société québécoise. Un apartheid intérieur.

Dérapages et préjugés autour de la Loi 21, texte lu lors de la Journée d’étude sur la Loi de la laïcité du Québec, 16 avril 2021.  

Les réflexions que je propose ici s’appuient sur ma contribution à notre ouvrage collectif Les enjeux de la laïcité au Québec ainsi que sur mes observations lors du procès contre la Loi 21, procès que j’ai suivi en direct, du début à la fin.     

J’ai d’abord pu constater le rapport de force inégal entre la  vingtaine (20) d’avocats qui ont soutenu la demanderesse Ichrak Nourel Hak, elle-même appuyée par 9 organisations nationales et internationales, telles que the National Council of Canadian Muslims, the World Sikh Organization of Canada, Amnistie internationale (section Canada francophone, etc) et les 8 ou 9 avocats qui ont défendu la Loi (parties défenderesses). Une telle offensive m’apparait démesurée. 

Les experts et les intervenants favorables à la Loi 21 se sont efforcés de rappeler que la Loi est le résultat d’un long processus historique,

que le signe religieux projette un message social qui révèle des convictions profondes, et qu’à cet égard l’abstention de ce signe religieux, comme celui des signes politiques et identitaires, durant les heures de travail, dans les institutions publiques, vise à respecter la liberté de conscience des enfants et des parents, ainsi que des collègues de travail et qu’il en va de l’intérêt collectif.   

Je me concentre ici sur trois types d’arguments anti Loi 21 qui révèlent, sur le plan sociologique, préjugés, voire mépris, et dont l’analyse serrée devra être faite un jour.

1.Premier type d’argument: la primauté du multiculturalisme canadien

Lors de sa plaidoirie le 7 décembre, Me. Perri Ravon, avocate de la Commission scolaire English-Montréal, a admis d’entrée de jeu que la Loi 21 s’inscrit dans le contexte historique et culturel du Québec et est adapté à sa tradition juridique.

Cela dit, il y aurait un clash entre la Loi 21 et la culture de la minorité anglophone. Ce mot clash m’a fait immédiatement penser à la thèse du choc des civilisations défendue par Samuel Huntington. Selon Me. Ravon, les écoles anglaises auraient un « mode de vie » (A WAY OF LIFE) spécifique. La Loi 21 envoie un message d’intolérance, incite à des frictions, ne défend pas les modèles de rôle (ROLE MODELS) associés à la présence de la diversité des enseignants dans les écoles. Et elle conclut que les droits à l’instruction dans la langue de la minorité (art. 28 de la Charte canadienne) doivent être interprétés selon l’article 27 de la Charte canadienne, soit avec « l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ». Une position claire et nette qui souligne bien les deux solitudes historiques.

Mais s’agirait-il d’un clash politique plutôt que culturel puisque tous les gouvernements du Québec, sans compter la plupart des associations culturelles et citoyennes québécoises, ont rejeté le multiculturalisme canadien?   

L’idée de la supériorité politique et culturelle de la minorité anglophone se dégage de la plaidoirie de Me Ravon. Cette posture pourrait être d’autant plus offensante qu’elle masque les acquis historiques que représentent les politiques publiques du Québec en matière d’aménagement de la diversité dans l’enseignement en particulier (PAE, programmes d’interculturalisme, formation contre le racisme, etc.) et qui ont suscité l’intérêt de chercheurs étrangers. 

On pourrait aussi lui objecter les effets de la sous-représentation de la diversité dans les écoles monoethniques et monoreligieuses financées en partie par le gouvernement du Québec.

2.Deuxième type d’argument:  le racisme allégué de la majorité francophone

Au cours du procès, le sociologue Paul Eid, expert pour la partie anti Loi 21,  a soutenu que les attitudes anti musulmans seraient plus nombreuses au Québec que dans le reste du Canada. Ceci serait attribuable au « racisme culture l», une notion délicate,  de la majorité francophone (qu’il qualifie ailleurs de blanche). Au-delà des difficultés que représente la comparaison des sondages en matière d’attitudes, peut-on réellement parler de racisme dans ce cas? Cette interprétation a été précisément discutée par les experts Gilles Gagné et Yannick Dufresne qui ont démontré que la différence d'appui à la laïcité entre le Québec et le ROC s'explique principalement par le niveau de religiosité plus faible, voire l’anticléricalisme des Québécois et non par des attitudes antimusulmans.

Selon le psychologue Richard Bourhis, un autre expert , ce qui serait en cause ici, c’est l’opposition des catégories sociales « Eux/Nous ». Soit les minoritaires musulmans, qu’il qualifie de BRUNS, victimes de discrimination (le Eux, d’un côté), et la « majorité nationale québécoise francophone » (le Nous, de l’autre côté). Bourhis se base sur des expériences entreprises auprès d’élèves en classe et il les projette sur la société globale, ce qui ne peut pas se défendre sur le plan sociologique, ni du point de vue théorique, ni du point de vue méthodologique. 

Et Bourhis prédit que les dispositions de la Loi 21, je cite : « ont pour but avoué, à long terme, d’exclure par l’usure toutes les minorités religieuses portant des signes religieux du système scolaire du Québec », ce qui aura de graves répercussions dans le milieu du travail et causera des torts psychologiques, sociaux et de santé. 

Or, on peut faire une hypothèse inverse. La loi 21 pourrait avoir au contraire un effet pacifiant dans les milieux de travail et un effet d’intégration citoyenne des minorités dites visibles et religieuses qui, ne l’oublions pas, font partie des cibles  privilégiées des programmes d’accès à l’égalité en emploi du Québec et des programmes en pleine croissance que l’on nomme EDI (équité, diversité, inclusion).

On notera ici l’intrusion en plein procès du mot BRUN. Une catégorie colorée que s’est attribué pour lui-même le professeur de droit Amir Attaran. Un ajout à l’idéologie raciste et coloniale qui a classé historiquement les êtres humains en présumées races jaune, blanche, noire, rouge.

Je ne peux pas faire état de l’ensemble des stéréotypes, préjugés et du mépris manifestés directement ou indirectement lors du procès, dans les médias ou dans les écrits d’universitaires. Quelques exemples suffiront.

Ex. Me. Hussain, avocat des parties anti Loi 21, a fait allusion à l’antisémitisme des Québécois francophones au cours des années

1930 tout en passant sous silence l’antisémitisme des anglophones à la même époque. Il a aussi évoqué les lois de Nuremberg et je cite : « Les lois de Nuremberg ne sont pas venues en situation de guerre. Elles étaient inimaginables mais elles sont devenues réalité. Et s’adressant au juge: « Votre jugement va vivre longtemps. Si la Loi est acceptée, rien ne préviendra des violations plus extrêmes basées sur l’opinion majoritaire.

Ex. Me Bourget, autre avocat des parties anti-Loi , a posé la question suivante au témoin Nadia El Mabrouk, et le cite :: « Je viens de manger un bagel avec bacon et fromage: est-ce que ça vous dérange? ».  Voici un  préjugé qui frise l’insulte grossière car il laisse sous-entendre qu’en tant que musulmane favorable à la Loi 21, Nadia El Mabrouk pourrait être intégriste et ne pas tolérer le porc.  

Quant au juge Blanchard, il a posé à Nadia El Mabrouk une question sur ses convictions indépendantistes.  

Il a aussi demandé à un expert: « Si un enseignant était « noir », refuserait-on de l’embaucher? », établissant ainsi un lien saugrenu entre un attribut biologique non choisi, et une particularité religieuse à laquelle on adhère par choix ou par coercition.  Dans tous ces cas, peut-on parler d’un manque d’intelligence culturelle dans la pratique du droit?   

3. J’en arrive au troisième type d’argumentation: l’impératif de la décolonialité

La théorie de la décolonialité est un paradigme s’imposant de plus en plus dans les universités et la contestation sociale. Cette théorie se consacre à l’analyse des dispositifs de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale, produits par les administrations coloniales et dont les effets systémiques persistent dans les sociétés contemporaines. Cette thèse que j’estime très importante, en particulier pour l’analyse de la question autochtone, est souvent utilisée hors contexte 

Au Québec, pour attaquer la Loi 21, entre autres, cette thèse se conjugue avec la théorie de la blanchité, une théorie inspirée des Whiteness Studies américaines qui vise à dénoncer la suprématie blanche, les normes blanches, le privilège blanc, et au Québec la « majorité blanche francophone ».    

À ce sujet, certains tiennent un discours carrément corrosif. Ainsi un universitaire  anti Loi 21  parle de « la blanchité hégémonique et répressive du groupe dominant et de son innocence non raciste ». On trouvera d’autres exemples du même acabit dans l’ouvrage Modération ou extrémisme.

Autre exemple de mépris. La militante voilée Idil Issa, invitée à participer récemment à une conférence organisée par Amnistie international ( Canada francophone), a déclaré ce qui suit  et je cite:  « Le Québec est déjà différent. La loi 21 est le dernier essai d’un vieux Québec (….). Il faut mobiliser, parler à vos amis, créer des groupes sur internet () Comme j’ai dit parfois c’est les démographics qui vont gagner finalement (). La Loi 21 ne restera pas au Québec, ça c’est certain, que ce soit l’année 2,300 on ira jusqu’au bout ». Cette militante est membre du Conseil interculturel de la Ville de Montréal.

Mais je n’ai pas le temps d’approfondir.

POUR CONCLURE, trois remarques.

1)D’abord les préjugés étant prégnants dans la société, toutes les personnes en autorité (juges, avocats, policiers, enseignants), profiteraient d’une formation sur le racisme et sur ce qui n’en est pas, autrement dit sur les abus de cette notion. Par ailleurs, l’antiracisme concerne la société dans son ensemble. Racisme et sexisme font partie de la culture du système monde et ceci concerne majorités et minorités.  

 

2)Deuxièmement, les minorités ne sont pas des totalités homogènes, pas plus que la majorité francophone. Plusieurs personnes issues des minorités appuient la Loi 21. Parmi elles, les citoyens qui ont

souffert de l’expansion de l’idéologie wahhabosalafiste dans leur pays d’origine, qui l’ont fui à titre de réfugiés, de demandeurs d’asile ou d’immigrants, et qui s’inquiètent de retrouver une mouvance religieuse radicale au Québec qui leur rappelle de mauvais souvenirs. Il faut lire à ce sujet le poignant témoignage de Leila Lesbet , publié sur Face Book. Leila Lesbet est membre d’AQNAL (Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité).

 

3) Troisièmement, pour comprendre le débat en cours sur la laïcité, on ne devrait pas se centrer exclusivement sur ce qui se passe au Québec. Or, le grand absent du débat, au procès comme dans l’ensemble de notre société, c’est précisément l’analyse et la prise en compte de la mouvance religieuse intégriste mondiale qui s’appuie sur le multiculturalisme et les tribunaux et pratiquent l’entrisme dans les institutions de défense des droits de la personne. Une situation que ne peut laisser échapper la société québécoise, car elle n’est pas un isolat.

 

Le sociologue Paul Eid a écrit dans son rapport d’expert que « rien n’indique, d’après les recherches existantes, que le choix des musulmanes québécoises et canadiennes de porter le hijab serait dicté par des institutions, des autorités ou des courants religieux (ex. salafisme, wahhabisme, soufisme) » (idem: par.104 du rapport). On peut s’étonner d’une telle affirmation.  

 

 Il faut dire que les études sur le terrain sont extrêmement difficiles à faire. Mais elles ont été faites dans d’autres pays. S’appuyer sur de bons informateurs clés (c’est l’anthropologue en moi qui parle) serait un point de départ essentiel. 

 ML.

Loi 21, la décision de la cour supérieure la valide avec un mais .... !?

1) Ce qui suit est juste un questionnement ...

En distinguant la minorité anglophone du reste de la population Québécoise, la décision du juge Blanchard en ce qui a trait à la loi 21 fait dans la discrimination. En réponse à cette décision, le Ministre de la justice Simon Jollin Barrette déclare que « Les lois du Québec doivent s’appliquer pour tous et sur l’ensemble du territoire québécois. Il n’y a pas deux Québec, il y en a un seul».

Ce qui se passe pour les Anglophones du Québec serait-il pareil pour les Francophones des autres provinces ?


2) Le Québec comme province du Canada, depuis fort longtemps, se voit imposer l’obligation de reconnaitre les droits spécifiques de la population historique anglophone résidant sur son territoire.

Selon la symétrie des formes cette obligation devrait aussi être imposée aux Francophones des autres provinces. Alors une question de base se pose : Émettant l’hypothèse qu’une loi de l’Ontario ou du Manitoba est adoptée par l’une des deux assemblées nationales de ces provinces et que les Francophones de celles-ci ne soient pas d’accord et qu’ils se plaignent à la cour supérieur de la province, le juge en charge du dossier donnera t’il leurs droits aux francophones ?

Selon toute vraisemblance, la réponse pourrait être négative. Alors … Réfléchissons ensemble …


Je suis une citoyenne Québécoise émigrante d'Algérie un pays musulman

Ce qui suit est un témoignage de mon cheminement personnel où deux existences cohabitent et illustrent ma vie. La première, durant laquelle j’ai été contrainte de vivre sous des lois religieuses servant de bouclier à la lâcheté des hommes qui ont fait de moi une mineure à vie. La deuxième, depuis mon arrivée au Québec, où par la force des lois civiques et laïques, je suis citoyenne à part entière. Cette égalité des sexes, il faut le rappeler, s’est faite grâce au long combat des femmes québécoises, soutenues par toute la composante humaine de la société, contre l’obscurantisme.

Je vais tenter de mettre en exergue les principes selon lesquels je considère que la laïcité est un facteur d’intégration dans la société québécoise. Je commencerai par quelques causes de mon exil ou de mon départ de mon pays d’origine.
Des tromperies théocratiques et idéologiques
Dans mon pays de naissance, je devais continuellement prouver que je méritais ma place contrairement aux hommes, qui par la révélation divine, sont supérieurs aux femmes.
En Algérie, pour soumettre la femme algérienne et toute la société au diktat du pouvoir en place, celui-ci s’appuie sur un triptyque dont les trois fondements sont indissociables : le code de la famille basé sur la Chari’a, l’école fondamentale et la construction des mosquées.
En juin 1984, le sort de toutes les femmes algériennes venait d’être scellé. L’Assemblée nationale au service du parti inique (ainsi, nous le qualifiions) et non du peuple venait de nous assener le coup de grâce en promulguant «le code de la famille». ( 01 )
Ce texte juridique consacre la suprématie de l’homme sur la femme, son assujettissement au divorce unilatéral, son exclusion et celle de ses enfants, du domicile familial suite au divorce sans aucun recours possible. Depuis, de dérisoires abrogations furent apportées, mais point d’égalité.
L'école est appelée à véhiculer les valeurs de l'Islam
Afin de concrétiser ce sinistre projet, le pouvoir unique et inique mit en place un système éducatif au service du système politique.
Il introduisit l’enseignement de l’éducation islamique en remplacement de l’éducation civique et religieuse.
Tout le contenu du programme était en conformité avec le code de la famille.
Et pour accélérer cette mise à mort des droits des femmes, la construction de 11 000 mosquées a permis aux islamistes de tous bords de tenir cinq réunions quotidiennes correspondant aux cinq prières quotidiennes et un congrès hebdomadaire, correspondant au grand rassemblement du vendredi. Alors que les démocrates ont vu leur champ d’activité rétrécir comme une peau de chagrin.
C’est par un funeste jour de décembre 1991, qu’un chef islamiste nous somma de changer nos pratiques alimentaires et vestimentaires.
Un choix généreux fut proposé à celles et à ceux qui refuseraient leur diktat : la valise ou le cercueil, nous a-t-on-dit.
Je fais remarquer qu’à chaque fois qu’un choix nous est offert, il est associé à l’agonie et à la mort.
Pour toutes les femmes algériennes, la lutte, même si elle a débuté avant l’indépendance de l’Algérie, signifie faire face à la politique de retour aux fourneaux.
Jugées aptes à partager la mort et le danger au même titre que les Algériens, les Algériennes, à l’indépendance, furent frappées d’incapacité soudaine et d’inaptitude congénitale à participer à la gouvernance de ce pays qui est le leur et pour lequel elles ont tout sacrifié.
La mosquée Abdelhamid-Ibn Badis en construction
L’indépendance, même si ce mot est conjugué au féminin, bénéficiera surtout aux Algériens. Aujourd’hui, elle bénéficie au groupe qui inventa ce système néfaste pour un pays dont la beauté n'a d'égale que sa richesse.
Le Québec doit opter résolument pour la laïcité
Je dois mon existence en tant que femme bénéficiant de tous les droits civiques et juridiques au même titre que mon mari au Québec où j’habite depuis 2001. Depuis mon arrivée, j’ai pu apprécier les droits des femmes québécoises, résultat d’une longue lutte contre l’oppression de l’église. Je sais qu’aucune religion n’accorde l’égalité à la femme. Les strapontins semblent avoir été faits pour nous.
Je devais reprendre mon nom de jeune fille et j’ai le droit de le garder. Ma place, je la devais à moi et à moi seule. Mon sexe n’est plus un handicap. La violence à l’égard des femmes est punie par la loi, et une femme peut être première ministre et diriger le pays.
Alors, j’ai recommencé à aller à la plage, au cinéma, à m’attabler dans un café sans réfléchir s’il convient aux femmes. Je pouvais me rendre aux différents festivals sans me faire agresser physiquement et verbalement, sans que personne ne me dise de me couvrir.
J’appris avec bonheur que j’ai le droit à une protection à tout moment en cas d’agression dans la rue. En fait, j’ai, tout simplement, le droit à une vie normale au même titre que n’importe quel citoyen, sans que mon sexe ne me porte préjudice.
Je suis enfin citoyenne.
C’est pour cela que j’ai choisi le Québec comme pays d’adoption. Sur le plan juridique, toutes les discriminations liées à mon sexe n’ont pas droit de cité. J’ai opté pour un pays qui convient à mes aspirations de femme libre de toutes pressions sociales. J’ai l’impression d’avoir concrétisé mon combat pour le droit des femmes.
Combat qui resta vain en Algérie.
Ce n’est ni le manque de volonté des femmes algériennes, encore moins la justesse de notre engagement qui ont empêché son aboutissement, mais bel et bien un système des plus vils où la femme algérienne sert de monnaie d’échange entre un pouvoir obnubilé par sa pérennité et des islamistes obsédés par l’émancipation des femmes.
Émancipation qu’ils vivaient, qu’ils vivent encore comme une menace à leur obsession maladive à l’égard des femmes, à leur prédominance, à leur propre existence. Leur existence jouit de l’oppression qu’ils exercent sur le corps des femmes.
L’Histoire se répète : un déjà vu et un déjà vécu
Depuis un peu plus de trois ans, j’ai l’impression d’un déjà vu, d’un déjà vécu.
Cela commence toujours par des demandes anodines, généralement des espaces de prières, des aménagements qui ne devraient déranger personne.
C’est ainsi qu'avance l’islamisme, doucement mais sûrement.
Dans ce sens, le Québec est un pays très généreux : la Charte des droits et des libertés complétée par les accommodements déraisonnables devient un tremplin pour permettre aux extrémistes de tous bords d’exercer leur oppression sur les femmes en toute légitimité.
Il faut toujours avoir à l’esprit que l’idéologie islamiste n’a pas de frontière. Les islamistes vivent dans des pays sans frontière ou plutôt la seule frontière qu’ils dressent est celle de leur idéologie puisée dans des versets qui n’ont plus droit de cité.
Durant la guerre contre les civils en Algérie, à aucun moment nous n’avons entendu les voix des islamistes installés en Occident s’élever pour condamner la barbarie à l’égard des femmes, des enfants, des adolescents et des démocrates dont le seul dessein, le seul rêve est de vivre libres loin de leur domination fasciste. Certains de ces tristes individus sont même devenus une référence pour certains journalistes et chaînes de télévision en Occident.
Pourtant ces vedettes du petit écran sont au premier rang quand il s’agit de défendre le port du voile et de la burqa là où le problème se pose. En France, en Belgique et ailleurs dans le monde, des adolescentes, des femmes ont subi les pires sévices avant d’être tuées par leurs maris ou par les islamistes de leurs quartiers parce qu’elles ont osé vivre en marge de leur diktat ou pour certaines osé demander le divorce.
Aucun islamiste se réclamant et défendant cette mouvance ou organisation n’a condamné ces actes odieux d’un autre temps, MAIS dès qu’il s’agit de défendre le port du voile ou du Nikab, ces muets retrouvent la parole.
Pourquoi je dis cela ? Ne fermons pas les yeux, ce qui arrive en Europe est à nos portes. Soyons vigilants.
Pourquoi je dis cela ? C’est pour dénoncer l’islamisme qui non seulement n’a rien à voir avec l’islam, mais qui porte préjudice aux musulmans où qu’ils soient.
Pourquoi je dis cela ? Car si c'est cela l'islam alors mon père est mort sans savoir qu'il n'a jamais été musulman.
Pourquoi je dis cela ? Parce qu’aujourd’hui, au Québec, chez nous, des femmes et des hommes dont le combat pour l’égalité des sexes et la séparation du religieux et du politique ne sont plus à démontrer, ce qui est à leur honneur, ont subitement tourné le dos à leurs idéaux, sous la fallacieuse idée de venir en aide à ces femmes qui ont choisi le port du voile par conviction, soi-disant religieuse, alors qu’il n’est que l’étendard de leurs convictions politiques.
Le voile est politique.
Pour certaines femmes, le voile marque leur adhésion à l’islamisme et pour celles qui y sont forcées c’est leur étoile jaune. Cela s’appelle de la discrimination basée sur le sexe. Le port du voile est politique. C’est l’assujettissement des femmes par l’islam politique pour les culpabiliser des idées malsaines qui traversent l’esprit des islamistes à la vue de leur chevelure et de leur corps.
Quand des femmes et des hommes vivant confortablement dans les sociétés sécularisées depuis des lustres nous demandent au nom du multiculturalisme et de l’interculturalisme et de la Charte des droits et des libertés, d’accepter une telle offense, j’appelle cela de la collaboration avec le fascisme religieux qui s’exerce sur le corps des femmes.
Je dirai à ces adeptes du relativisme culturel, que leur empathie à l’égard de tels comportements est la plus haute forme de mépris : “ce qui est bien pour moi ne saurait l’être pour toi”. Plus grave encore, pour une femme comme moi, issue de ces pays et ayant subi l’inquisition islamiste, cette attitude est une violence de plus envers toutes les femmes qui, dans ces pays résistent et se battent chaque jour que Dieu fait pour changer les lois islamiques qui les étouffent quand elles ne les tuent pas.
Alors, à toutes ces bien-pensantes, mais fort ignorantes du sort réservé aux femmes dans les pays appliquant la charia, je leur dis ou plutôt je leur demande si elles ont déjà vécu sous des lois islamiques.
À toutes ces Québécoises confortablement ancrées dans l’égalité, je leur demande : “Avez-vous déjà vécu dans les pays appliquant ces lois ségrégationnistes et sexistes sachant qu’il n’y a pas le 911 à former afin de solliciter une aide ou un secours en cas de danger ?”
Je ne parle pas de passer des vacances ou de faire un reportage dans ces pays, mais d’y avoir vécu quelques années. Je reste persuadée que leur opinion changerait si elles venaient à y vivre continuellement.
En conclusion
Pour les militantes islamistes, qu’elles reconnaissent qu'il est agréable de vivre dans une société sécularisée loin de toute contrainte et pression sociale.
Il est bon de vivre dans une société où marcher dans la rue n’est pas un acte de bravoure, où se rendre au travail est un acte naturel et où aller au cinéma, au restaurant n’est pas assimilé à un acte de libertinage ou de luxure.
Ce qu’il m’est difficile de comprendre, c’est que des individus
ayant fui ces contrées pour les mêmes raisons que moi, défendent la thèse du libre choix du port du voile sans évoquer son aspect politique, sans évoquer la sourate qui demande aux femmes de ne pas exhiber leurs atours.
Pour les musulmans libéraux, il s’agit des parties intimes, pour les islamistes, c’est se couvrir les cheveux et pour les intégristes et les wahhabites, c’est couvrir aussi le visage et les mains.
« L’humanité qui a banni en son sein le nazisme, elle se doit de bannir plus que jamais les régimes théocratiques fondés sur la Charia. Il y va de sa propre pérennité aujourd’hui. » Ben Ammar Salem
Voilà ce que la lecture et l’interprétation d’un texte ont fait de la vie des femmes musulmanes ou de culture musulmane. Ce sont toutes ces raisons, toutes ces dérives, toutes ces manipulations qui m’incitent à avertir et à inviter mes compatriotes, Québécoises et Québécois, à consolider nos acquis par l’adoption d’une charte de la laïcité comme l’un des fondements de toute société moderne.
Ce qui m’amène à dire ceci: Je ne veux pas rentrer en guerre avec ou contre Dieu, il ne m’a rien fait. De ce que j’ai appris auparavant et encore plus aujourd’hui, les religions sont un facteur de division par les interprétations que les hommes en font.
Pour cela, il nous suffit de regarder ce qui se passe autour de nous. C’est là encore une raison supplémentaire pour aller sans détour vers la laïcité afin d’éviter les dérives qui mettent en exergue nos différences.
Chacun considère que La Seule Vérité est celle qui découle de sa religion. Je ne veux en choisir aucune et même si je fais ce choix, il doit être et doit rester personnel et intime. Il ne doit en aucun cas dépasser la sphère privée.
L’espace public qui nous est commun à toutes et à tous doit être pacifique et paisible, un espace où toute personne qui l’occupe ne doit pas être agressée par l’attitude ou l’accoutrement religieux d’autrui. Il doit être et doit rester accessible à tous, sans signe religieux distinctif et ostentatoire.
Je terminerai en disant que jamais je ne serai en accord, en collusion ou encore en communion avec celles et ceux qui se servent du corps de la femme comme d’un outil ou d’un instrument de guerre afin d’assouvir leur soif du pouvoir.
Ma conclusion est un appel et un rappel que j’adresse à toute la jeunesse québécoise de souche ou d’adoption. La liberté dont elle jouit n’est pas un cadeau du Père Noël, mais la consécration d’une lutte, consentie par des femmes surtout, mais des hommes également, pour des lois égalitaires et pour l’élimination de toute discrimination.
Enfin, je continuerai de militer pour que la laïcité soit partagée par toutes celles et tous ceux qui y croient ici au Québec et ailleurs dans le monde. »

Leila Lesbet
Membre fondatrice d'AQNAL


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